Les conditions de l'appartenance

Jean-guy PAGE
Les communautés dans l'Eglise - n°10 Mars - Avril 1977 - Page n° 28

La grande Eglise ne se manifeste concrètement qu'en des communautés locales plus ou moins larges. Reste à déter­miner les conditions auxquelles ces communautés sont des cellules de l'Eglise, et les conséquences qui en découlent.

Les deux premières pages, 28-29, sont jointes

 

LE Concile Vatican II a revalorisé l'Eglise locale ou diocésaine, ce regroupement, géographique dans la plupart des cas, d'une cer­taine portion de catholiques autour d'un évêque et des prêtres qui sont en communion avec lui. Ce mouvement, qui n'implique aucune sous-estimation de l'Eglise considérée dans ses éléments universels, trouve son origine déjà dans le Nouveau Testament et se fonde sur la tra­dition même de l'Eglise. Mais, depuis le Concile, on peut observer que cette tendance a évolué vers un particularisme encore plus restreint. Des diocèses, souvent trop grands _de fait, sont subdivisés en zones ou en secteurs pastoraux qui se fixent des objectifs et utilisent des moyens plus appropriés à leurs besoins ; ces zones ou secteurs acquièrent de ce fait une certaine autonomie d'action, le droit de supervision de l'évêque étant sauvegardé. Mais le désir se manifeste de plus en plus de regroupements encore plus petits,. à taille plus humaine et ouverts à une plus grande fraternité. Même la paroisse, en milieu urbain surtout, est considérée comme une communauté encore trop large, lourde à faire fonctionner, d'une efficacité insuffisante et qui ne permet pas des rapports authenti­quement fraternels. D'où la naissance de petits groupes, de plus petites communautés de réflexion et/ou de prière, parfois même de vie. Ces groupes en viennent rapidement à la célébration, parfois dominicale, de l'eucharistie.

Ces petites communautés sont porteuses de valeurs profondément chrétiennes et ecclésiales, mais elles sont aussi menacées par des dangers particuliers. Devant le phénomène de leur prolifération, devant celui aussi du pluralisme qui s'installe dans l'Eglise comme il s'est installé (p.28) dans la société civile, il est nécessaire de se rappeler les conditions qui sont théologiquement essentielles pour qu'une communauté locale, depuis la communauté diocésaine jusqu'à la plus petite cellule chré­tienne, puisse être dite d'Eglise. C'est là le but de cet article. Mais il ne voudrait pas s'en tenir à la simple énumération de principes abstraits : il voudrait encore montrer ce que chacune de ces conditions signifie dans le concret de l'existence d'une communauté locale. Cependant, avant d'aborder l'étude de ces conditions, il est utile de voir brièvement ce que le vocabulaire même du Nouveau Testament nous enseigne au sujet des rapports entre l'Eglise universelle et les communautés locales.

 

1. Eglise et communautés locales dans le Nouveau Testament (1)

Là où le Nouveau Testament et même, pour une large part, la traduc­tion grecque de l'Ancien (Septante) n'emploient qu'un seul mot, ekklèsia, les traductions en langues modernes peuvent en utiliser deux : « église » (church, Kirche, etc.) et « communauté » (community, Gemeinde, etc.). Le Nouveau Testament, en effet, emploie le même mot ekklèsia pour désigner soit des communautés chrétiennes locales, plus ou moins restreintes, soit la communauté universelle de tous les chré­tiens. C'est là l'effet non d'un manque de vocabulaire, mais de la recon­naissance, au niveau même de ce vocabulaire, d'une réalité théologique importante, à savoir le rapport réciproque qui existe entre la commu­nauté universelle et les communautés locales.

L'ekklésia du Nouveau Testament, l'Eglise chrétienne des origines. s'est reconnue d'emblée, d'abord dans la première communauté de Jéru­salem, puis dans toutes les autres communautés locales qui sont nées à la suite de la prédication apostolique, comme la réalisation de l' « assem­blée de Yahwé » dont parlait l'Ancien Testament, de l'assemblée sainte du peuple de Dieu. Cette perception relie étroitement la grande commu­nauté des disciples de Jésus et chacune des communautés locales. Mais ici le mystère chrétien fait éclater les notions sociologiques. Il ne faudrait pas, en effet, concevoir l'Eglise universelle, la grande communauté, comme une association réalisée en un second temps, une fédération des églises ou communautés locales ; il ne faudrait pas non plus concevoir ces dernières comme des sections, des provinces de l'Eglise universelle.

(1) Cf. L. Cerfaux, La théologie de l'Eglise suivant saint Paul, Paris, Cerf, 1965, collection « Unam Sanctam », n° 54, surtout le chapitre IX ; M.-C. Matura, « Le qahal et son contexte culturel »,'dans L'Eglise dans la Bible, Bruges, Desclée de Brouwer, 1962, collection « Studia », n° 12, p. 9-18 ; K.L. Schmidt, Eglise, Genève, Labor et Fides, 1967, 134 p., traduc­tion française de l'article « Kirche » du Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament (Kittel), Stuttgart, Kohlhammer Verlag, 1938, tome III, p. 488-539.


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