Kreuzherz

Alain Bonfand et Vincent CARRAUD

Descartes, Les passions de l'âme

PASSION

Nous aimons la vérité ; ou plutôt, nous sommes amoureux de la vérité. Rien d'étonnant à cela, puisqu'elle est une femme, une putain. Sade nous l'ap­prend : la vérité est publique, elle passe entre toutes les mains. Personne ne la possède — ou du moins ne la détient : sitôt possédée, sitôt, perdue ; jamais possédée, à jamais désirée. Mais on ne la partage pas pour autant (non pas à chacun sa vérité — tout ou partie —, mais la vérité est commune). Sade cependant sait de cette vérité qu'elle ne fait belle et séduisante figure que parce qu'elle n'est que figure : vérité personnifiée, c'est-à-dire tout sauf une personne.

Qu'il y ait eu, décisif, un instant de la vérité, Platon ne pou­vait nous l'apprendre. Puisque celui qui accède à la vérité s'en souvient seulement, puisque celui qui la découvre la redécouvre seulement, puisque, même sans le savoir, il la possédait déjà, le moment de la vérité est contingent, occasion, accident.          .

Qu'il y ait eu, décisif, un lieu de la vérité, qui pouvait nous l'apprendre, quand tous les relativismes prévalent ? Il nous faut penser ce lieu où tout s'éprouve, tout s'accomplit, tout est jugé.

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