Claudel et la tentation dionysiaque

Jérôme LAURENT
Décalogue III: Le respect du sabbat - n°111 Janvier - Février 1994 - Page n° 81

L'existence selon Claudel est traversée par la force jubilatoire de la vitalité aussi bien que par l'aspect polyphonique de l'amour divin. Ce que les Grecs nommèrent dionysiaque recouvre en partie le surgissement incessant de la Création.Quelle est alors précisément la place de la démesure bachique dans le théâtre de Claudel ?  Comment l'homme est-il pensé comme engagé corps et âme dans le théâtre du monde ? L'Art poétique et les Conversations dans le Loir-et-Cher seront ici rapprochés de l'œuvre d'H. Maldiney pour essayer de décrire comment Claudel a pensé l'être au monde de l'homme.

Que le langage soit par essence voix et, en ce sens, s'enracine dans l'émotion signifiante de la profération, Nietzsche et Claudel l'ont pensé en accordant un statut primordial à la musique. Mais où commence la musique ? Dans le chant des oiseaux ? Dans la danse marmoréenne du « sarcophage des neuf muses» que reprend la première des Grandes Odes? Peut-on croire avec Empédocle (fragment B 129) que les astres eux-mêmes produisent une musique par l'homme du commun inaperçue, car trop parfaite ? La musique s'achève-t-elle, comme le veut le Phédon de Platon (61 b), dans la philosophie elle-même? Ces questions ne seront pas traitées pour elles-mêmes ; mais elles ouvrent l'horizon de la tentation dionysiaque de Claudel : Ne impedias musicam ! est le précepte de L'Ecclésiastique que le diplomate a choisi pour devise (J I, 10 et OC XIX, 165 1). En effet, l'excès du chant ou de la parole sur le discours,  l'excès de la rencontre et de l'événement sur les représentations préalables, l'excès du surgissement de la musique qui brise l'opacité de l'étant et notamment du silence vide pour constituer un silence autre et une autre manifestation du monde sont ce que la philosophie a pu nommer « dionysiaque ». Certes, rien de la bacchanale sans pensée, tout à sa frénésie de transgression, ne pouvait être une tentation pour l'écrivain chrétien qu'est Claudel ; en revanche ce charme de Dionysos que La Naissance de la tragédie nomme « évangile de l'harmonie universelle » (Gallimard, p. 45), le poète a profondément vécu sous son influence. Si le rapport de Nietzsche à Claudel a déjà été — avec plus ou moins de bonheur — envisagé 1, il reste toujours à montrer combien la figure de Bacchus est intensément présente dans l'oeuvre claudélienne, mais d'une présence qui ne saurait couvrir toute la scène du monde. Au-delà de la Nature et des métamorphoses du vouloir, il y a l'affirmation de la liberté essentielle de l'Amour ; au-delà du surgissement de l'événement il y a, pour Claudel, la Création par l'acte bienveillant de Dieu. [...]

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