Des larmes qui plaisent à Dieu − De l'ascèse des pleurs dans le christianisme byzantin primitif

Tibor GÖRFÖL
La sagesse des larmes - n°277 Septembre - Octobre 2021 - Page n° 55

Si les premiers maîtres de la vie spirituelle se méfient de l’usage que l’on peut faire des larmes, le repentir dans les larmes est compris aux IVe et Ve siècle comme une preuve du retour à Dieu. Puis, d’éminents Pères de l’Église (Origène, Grégoire de Nysse) interprètent le phénomène des pleurs authentiques dans un sens eschatoloqique. Le VIIe siècle, quant à lui, met l’accent sur la joie qui suit les larmes et la spiritualité byzantine, dans sa pleine maturité, comprend les larmes comme un phénomène lumineux. Cependant, l’idée que les larmes peuvent signifier un renouvellement du baptême reste un leitmotiv de cette spiritualité.

1. Larmes en Orient et Occident

Jean Damascène, grâce auquel la tradition des Pères de l’Église s’est perpétuée jusqu’à Thomas d’Aquin et même à l’époque de la Réforme, n’était pas uniquement le collectionneur des trésors patristiques pour lequel on le prend souvent. Il écrit toujours en moine, y compris dans son manuel de logique (Dialectica) où il décrit, dès l’introduction, la connaissance humaine comme une « lumière de l’âme rationnelle1» et s’inscrit ainsi dans d’anciennes traditions monastiques. Son identité de moine lui a également causé des problèmes. Bien que doué pour la poésie, son père spirituel ne lui permit pas (d’après sa Vita) de composer des chants et des hymnes. La raison du mépris pour de telles activités littéraires se trouve dans le grand recueil de sagesse monastique, la Synagogue de Paul Evergetinos, appelé couramment L’Evergetinos et constitué en même temps que la biographie de Jean Damascène (au XIe siècle). On lit dans L’Evergetinos l’histoire célèbre mais inexacte du grand Père du désert Pambo qui apprend que de jeunes moines souhaiteraient entendre, dans le désert, des hymnes touchantes semblables à celles que l’on trouve dans les Églises d’Alexandrie. Le maître, indigné et atterré, répond à cela :

« Quelle contrition, quelles larmes naîtront de tels chants ? Quelle contrition le moine pourrait-il bien éprouver, en élevant sa voix comme un boeuf, debout dans l’église ou sa cellule ?2 ».

Ce n’est pas ici la vision péjorative de la musique qui nous intéresse mais l’importance donnée aux larmes qui ne doivent pas être négligées. Comment en est-on arrivé à cette appréciation des larmes dans la tradition byzantine après le tournant du millénaire ? Ce processus sera au centre de ce qui suit. En quoi cette vision des larmes peut-elle bien être pertinente aujourd’hui ? Est-ce raisonnable de prêter attention à cette tradition orientale lointaine qui peut sembler obscure ? [...]

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1 Bonifatius KOTTER (dir.), Die Schriften des Johannes von Damaskos, vol. 1 : Capita philosophica (Dialectica), Berlin 1969, 53.

2 Evergetinos itoi Sinagoge, vol. 2, Athènes 19936, 160.


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