Que reste-t-il de la liberté religieuse en France après la loi sur le séparatisme ?

La loi du 24 août 2021 sur le séparatisme limite certaines libertés dont bénéficiaient les religions depuis 1905. La volonté de l’État de contrôler la sphère religieuse sous couvert d’indépendance du politique est une tradition française ancienne. Cette loi récemment adoptée traduit une certaine méfiance de l’État vis-à-vis de toutes les religions et pas seulement de l’Islam. En dépit du dialogue maintenu qui se veut rassurant, les défauts du texte peuvent néanmoins susciter l’inquiétude.

Pendant un siècle, de 1920 à 2020, les relations entre l’État et les religions en France ont été basées sur un consensus pacificateur autour de la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, complétée par la loi du 2 janvier 1907, toutes deux interprétées par la jurisprudence du Conseil d’État. Le prétexte donné par le gouvernement et la majorité parlementaire à la loi du 24 août 2021 était de lutter contre un danger, celui du « séparatisme », venant menacer les fondements même du vivre ensemble au sein de la République. L’exposé des motifs du projet de loi le présentait ainsi : « Un entrisme communautariste, insidieux mais puissant, gangrène lentement les fondements de notre société dans certains territoires. Cet entrisme est pour l’essentiel d’inspiration islamiste. Il est la manifestation d’un projet politique conscient, théorisé, politico-religieux, dont l’ambition est de faire prévaloir des normes religieuses sur la loi commune que nous nous sommes librement donnée. Il enclenche une dynamique séparatiste qui vise à la division¹. » Force est de constater que rien de tout cela ne concerne les catholiques, les juifs, les protestants, et que seule une toute petite minorité des musulmans est susceptible d’être ainsi pointée du doigt. Mais il fallait mettre tout le monde dans le même sac, quitte à stigmatiser davantage encore les musulmans ². Les dangers que le projet de loi, déposé à l’Assemblée nationale le 9 décembre 2020 (le jour du 115e anniversaire de la loi de séparation !), venait apporter aux libertés ont été mis en avant par les organes consultatifs que la République a créés pour assurer la...

 1 Exposé des motifs, projet de loi confortant le respect des principes de la République, no 3449, déposé le 9 décembre 2020.

 2 « Loi sur le séparatisme : la liberté de culte entravée », entretien avec Emmanuel Tawil, par Daniel Boitier, Droits et libertés, no 195, Octobre 2021, p. 27

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