Compte-rendu - Benoît XVI-Joseph Ratzinger, Che cos'è il cristianesimo

le 01/02/2023 par Jean-Robert Armogathe

Benoît XVI – Joseph Ratzinger, Che cos’è il cristianesimo. Quasi un testamento spirituale, [Qu’est-ce que le christianisme. Presque un testament spirituel], Elio Guerriero, Georg Gänswein éd., Mondadori, 2023, X-190 p. – tr. fr Le Rocher, mars 2023.

L’édition italienne (originale) réunit les textes écrits par le pape émérite entre sa renonciation (2013) et son décès (2022). Ils sont regroupés en six chapitres.

Dans le premier (« Les religions et la foi chrétienne »), nous trouvons la grande réflexion sur la mission, prononcée à l’Università Urbaniana le 21 octobre 2014 (1) et un texte inédit de mars 2022 sur « Qu’est-ce que la religion ? Une tentative de définition » (2).

  1. La charité est à l’origine de la mission : si on aime son prochain, on doit être missionnaire. Dire que toutes les religions sont égales est aujourd’hui un lieu commun : cela peut paraître réaliste et utile à la paix entre les religions, mais c’est mortel pour la foi.
  2. Ce texte inédit est une réflexion sur un propos attribué à Karl Rahner : « Le christianisme de demain sera mystique ou ne sera pas ». Cela paraît signifier une intériorisation et un approfondissement de la foi ; mais cela revient à présenter comme secondaires toutes les formes concrètes de la foi pour en venir à une dévotion personnelle. Cette interprétation du christianisme contredit son intention la plus intime et sa configuration concrète dans l’histoire.

Le deuxième chapitre réunit des « Éléments fondamentaux de la religion chrétienne » : « Monothéisme et tolérance » (29 décembre 2018) (3), « Le dialogue islamo-chrétien » (1er mars 2018, texte inédit) (4), « Musique et liturgie » (4 juillet 2015) (5) ainsi qu’une « Théologie de la liturgie » (6).

(3) Le point de départ fut la lecture d’Eckhard Nordhofen, Corpora. Die anarchische Kraft des Monotheismus [La force anarchique du monothéisme], Herder, 2000. La réflexion de Joseph Ratzinger se déploie à partir de textes bibliques : Josué 24, 15-28 (le refus des dieux étrangers et l’alliance de Sichem) et le roi Salomon, tenu par les auteurs modernes pour le modèle du roi progressiste et tolérant : il admit les cultes étrangers de ses concubines, « qui détournèrent son cœur vers d’autres dieux » (1 Rois 11, 4).

Vérité et tolérance semblent contradictoires, et le monde post-moderne essaie de recréer le monde non pas tel qu’il est, mais contre sa vérité. Le christianisme fut comme la continuation de la pensée philosophique sur la recherche de la vérité de la part de l’homme, et son caractère unique ne permet pas de le tenir pour une « religion ». Et JR cite Origène : « Le Christ ne remporte pas de victoire sur qui ne le veut pas. Il ne vainc que par la persuasion, ce n’est pour rien qu’Il est la Parole de Dieu ».

(4) « Le dialogue islamo-chrétien » est un court texte pour mettre en garde contre des rapprochements trop hâtifs : le Coran et la Bible ne sont pas des « livres » équivalents.

(5) et (6) On sait l’importance de la liturgie dans la pensée de JR : il a insisté pour que le premier volume publié de ses Opera Omnia soit le volume 11, Théologie de la liturgie. La dimension sacramentelle de l’existence chrétienne[1].

Le chapitre 3 est consacré au judaïsme (« Juifs et chrétiens en dialogue ») : « La grâce et l’appel sans repentir. Observations sur le traité De Iudaeis » (7) et l’échange épistolaire avec le rabbin Arie Folger (août-septembre 2018) (8)[2].

Les deux chapitres suivants réunissent des thèmes « de théologie dogmatique » (ch. 4) et « de théologie morale » (ch. 5). Trois textes dans le chapitre 4 : « La foi n’est pas une idée, mais c’est la vie » (9), » « Le sacerdoce catholique » (10) et « Le sens de la Communion » (11).

(9) Entretien avec le P. Libanori, sj pour un symposium romain sur la justification par la foi (octobre 2015). JR renvoie à un article de Communio : « Jusqu’où porte le consensus sur la doctrine de la justification ? » (à propos de la déclaration commune catholique-luthérienne du 31 octobre 1999)[3].

(10) Il s’agit du texte publié dans le volume du cardinal Sarah, Des profondeurs de nos cœurs.  La polémique absurde autour du volume avait fait passer au second plan ce texte très important, dans une version remaniée et augmentée. On ne peut pas résumer la trentaine de pages denses, qui constituent le cœur de ce volume et sont une contribution exceptionnelle à la définition du sacerdoce ministériel.

(11) Un texte inédit, clair, écrit en toute simplicité, qui devrait permettre à chaque fidèle de réfléchir à ce qui se passe lorsqu’il communie le dimanche.

Un seul texte dans le chapitre suivant, sur le scandale des abus sexuels (12). Le texte fut écrit à l’occasion de la réunion des présidents des conférences épiscopales à Rome (21-24 février 2019). Avec l’accord du pape François, il fut publié dans une revue allemande et sur le site du Corriere della Sera. L’écroulement moral des années 1960-1980 entraîna l’éloge de la pédophilie, la normalisation de l’homosexualité et la montée des violences sexuelles : l’Église ne fut pas épargnée dans cette déchéance. JR rappelle l’opposition que l’Encyclique Veritatis splendor (1993) rencontra chez les professeurs de théologie morale. Les conséquences se firent sentir sur la formation des prêtres. Il rappelle aussi comment, sur son initiative, la juridiction des crimes et délits sexuels commis par des prêtres passèrent de la Congrégation du clergé à celle pour la doctrine de la foi : ces actes, explique-t-il, sont bien contra fidem. Et les mesures qu’il propose ne sont pas des recettes sociologiques, mais l’application de principes théologiques solides, au fondement de la foi chrétienne.

Enfin quatre « contributions occasionnelles » sont réunies dans le chapitre 6[4].

Loin d’être les « miettes théologiques » d’un vieillard, ces textes reflètent dans toute son acuité la vigueur théologique de Joseph Ratzinger. Son premier grand livre fut une Introduction au christianisme (traduit en français : Foi chrétienne, hier et aujourd’hui, Mame, 1969) – le titre de ce livre posthume complète et achève le parcours du théologien.

 

[1] Tr. fr., Parole et Silence, 2019 (680 p.).

[2] Le dossier, complété par plusieurs documents, a été publié dans la collection Communio : L’alliance irrévocable. Joseph Ratzinger-Benoît XVI et le judaïsme, Parole et Silence,  2018.

[3] Communio XXVI, 5 (oct. 2001), repris dans Joseph Ratzinger, La communion de foi, t. 2 (« Discerner et agir »), coll. Communio, Parole et Silence 2009 p. 93-109.

[4] Sur la Commission théologique internationale, sur Jean-Paul II, sur le P. Alfred Delp, sj, exécuté par les Nazis en 1944 (sur le chemin qui le conduisait sous la potence, il avait dit à l’aumônier de la prison : « Dans quelques instants, j'en saurai plus que vous. ») et sur son saint patron, Joseph.