Mutations de la figure : Giotto peintre de la conversion de François d'Assise.

Comment représenter la conversion en peinture ? Les procédés utilisés par Giotto sont autant de signes qui transforment l'hagiographie en une histoire qui fait sens : des prémices au retournement, la vie du Saint est identification progressive à l'Autre; telle l'icône, elle se projette sur autrui et devient l'« appel à toute conversion ».

Comment représenter la conversion en peinture? C'est-à-dire comment déclarer la vérité en peinture, selon le mot de Cézanne, en ce domaine de la conversion ? Telle est la tâche à laquelle se voue – virtuellement – tout peintre dont le propos est de narrer la vie d'un saint, les auteurs de bandes dessinées pieuses aussi. S'il convient de préciser « virtuellement », c'est que l'imagier peut esquiver la difficulté en démarrant in medias res, se contentant de mettre en scène le saint accompli, non le personnage de ce monde qui le devient. De façon plus subtile, le jeu sur les auréoles indiquera le parti pris : le cas de loin le plus général est le port du nimbe en toutes circonstances, depuis la prime enfance, ou, pour rester rigoureux, dès la première image ; en revanche, quelques exemples subtilement diffèrent, qui montrent le héros – le futur saint en l'occurrence – comme acquérir son auréole : tel panneau italobyzantin consacré à sainte Claire, qui la présente frontale, en cette situation que les Grecs nomment un kharaktèr, mais entourée de plusieurs vignettes, les historiai exemplaires de son existence, ne lui fait porter le nimbe qu'à la troisième image à lire selon l'ordre chronologique. A cette réflexion notable, mais sommaire, sur la temporalité de la conversion, dans le tableau d'un peintre demeuré anonyme, s'oppose la mise en scène infiniment plus complexe dont Giotto di Bondone fait preuve, quand il s'agit pour lui de narrer la conquête et la gestion, si l'on peut parler ainsi, de la sainteté de François, dans la Vie de ce dernier qu'il peignit en Assise au début de la dernière décennie du Duecento. [...]