État, nation et patrie selon Simone Weil (1909-1943)

La réflexion de Simone Weil sur l'état, la nation et la patrie tente d'élucider le paradoxe suivant : les institutions humaines sont imparfaites et périssables ; mais elles constituent le seul moyen dont nous disposions pour accomplir notre destinée éternelle. Simone Weil renouvelle la problématique du fondement d'un ordre juridique et politique en réconciliant, par le thème de l'enracinement de tout être humain dans l'existence d'une collectivité, spiritualité et politique.

Introduction

La brève existence de Simone Weil s'inscrit entre les deux Guerres mondiales. Elle naît le 3 février 1909 à Paris et meurt le 24 août 1943 à Ashford dans le Kent. Dans une lettre de Londres à Maurice Schumann, elle confie à son ami : « ... Depuis 1914 la guerre n'a jamais quitté ma pensée. » Elle y voit l'une des formes extrêmes du malheur des hommes. Le malheur est le signe d'une tragédie : malheur de la guerre, de l'esclavage, de la guerre civile, de la corruption ou de la faiblesse de l'État, incapacité d'une col-lectivité à assurer sa sécurité, sa survie, sa liberté. Le propre du malheur, c'est qu'il soit à la fois spirituel et historique. Il est spirituel, car il constitue une blessure infligée à l'âme, qu'il contraint, déforme, réifie, anéantit ; et il est historique, puisque l'histoire délimite le lieu où les âmes sont niées et ensevelies.

La Seconde Guerre mondiale a eu sur elle un effet complexe : tout d'abord, elle est restée tardivement (jusqu'en 1938) pacifiste ; ensuite (après la défaite de la France), elle découvre que, s'agissant d'elle-même, les pensées qui la traversent et auxquelles elle adhère parce qu'elle croit y voir la vérité « ne sont pas incompatibles avec une forme extrême d'acte de guerre ». [...]

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