R. P. Jacques SERVAIS
L'exégèse canonique
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n°265
Septembre - Octobre
2019 - Page n° 113
Hans Urs von Balthasar appréciait Paul Claudel comme le dramaturge cosmique et catholique qui embrasse le monde et l’au-delà. La vénération qu’il avait pour lui l’amena à traduire beaucoup de ses poèmes et quelques pièces de théâtre ; il a vu dans son œuvre, une tentative de lire le drame de la passion charnelle et de l’amour humain à la lumière de la Révélation chrétienne, particulièrement dans le Soulier de satin qui met en scène la douloureuse purification de l’éros en agapè.
Deux « convertis »
Il y a cent‑cinquante ans, le 6 août 1868, naissait à Villeneuve‑sur‑Fère, dans l’Aisne, le grand poète et dramaturge français Paul Claudel. Le 25 décembre 1886, aux secondes vêpres de la fête de Noël, une grâce surnaturelle l’envahit
à l’improviste tandis qu’il se trouve sans motif particulier à la cathédrale Notre‑Dame de Paris. « C’est toujours un miracle étonnant qu’une conversion », confiera‑t‑il une dizaine d’années plus tard à Louis Massignon, « c’est une interpellation directe par laquelle Dieu s’adresse personnellement à nous et il est un artiste trop économe de ses moyens pour qu’aucun de ses rares coups de théâtre soit inutile à ses vastes plans1 ». Cette expérience inopinée de la présence de Dieu devait marquer d’une empreinte indélébile toute sa carrière littéraire. Depuis lors, déclare‑t‑il, il croit2. – « Et voici que vous êtes quelqu’un tout à coup ! » Peu de mois après cette conversion fulgurante, lui vient l’inspiration d’une de ses premières oeuvres, L’Annonce faite à Marie3. En 1890 il se présente aux portes de l’abbaye bénédictine de Saint‑Martin de Ligugé, au sud de Poitiers. Mais il n’y restera pas et au lieu de se faire religieux il va se marier et s’adonner à la littérature tout en exerçant une carrière de diplomate qui le mettra en contact avec des mondes les plus divers. Ce faisant, il aura maintes occasions de souffrances, ainsi qu’il en fait discrètement l’aveu : « La conversion n’est pas l’oeuvre d’un seul moment, mais l’effort et le labeur de toute une vie4 ».
Hans Urs von Balthasar, de près de quarante ans son cadet, est né en Suisse alémanique ; non seulement il a une parfaite connaissance de l’allemand, du français et de l’anglais, mais il possède une culture littéraire qui va bien au‑delà des confins européens5. À la différence de Claudel qui brosse un portrait sombre de son adolescence – « J’avais complètement oublié la religion et j’étais à son égard d’une ignorance de sauvage6 » – le jeune Lucernois reste fondamentalement fidèle à l’éducation de sa famille catholique, mais n’en est pas moins tenté à un certain âge par la poésie esthétisante de Stefan George. À vingt‑deux ans, l’étudiant en philologie germanique [...]
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1 Lettre de Claudel à Massignon du 12 octobre 1908, 50. Pour une bonne lecture de ces notes, voir bibliographie en fin d’article.
2 « En un instant mon coeur fut touché et je crus », P. Claudel, Ma conversion, 1010.
3 « J’avais vingt-trois ou vingt-quatre ans », confie Claudel dans une interview du 2 mai 1921, « lorsque me vint la première inspiration de cette oeuvre », 1387.
4 Présence et prophétie, Fribourg, 1942, 50.
5 Voir D. Millet-Gérard, Paul Claudel lu par Hans Urs von Balthasar : continuité de la tradition culturelle européenne, in Claudel et l’Europe, Actes du colloque de la Sorbonne, 2 décembre 1995, Lausanne, 1997, 28-51.
6 Ma conversion, op., cit.,1009.
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