C’est une tendance forte de la théologie moderne que d’analyser le mystère du Christ, personne unique unissant les deux natures, humaine et divine, en considérant uniquement cette unité dans les limites de cette personne (ou hypostase). Ce qui conduit soit à une analyse en termes d’être, fini et/ou infini (par exemple chez Rahner), soit en termes psychologiques (l’action, la volonté, par exemple chez Blondel). Or l’unité de la personne du Christ se définit par son union au Père (voir Jean), dans une communion de volontés. L’horizon du Christ ne se restreint pas à une “christologie” étroite (terme assez récent), mais à l’intrigue complète (Esprit aussi) de la Trinité.

 Les états de la christologie au sortir de la période moderne Lorsque le Christ demeure « seul »

En 1954, au moment où l’on se mit en demeure de célébrer le 15e centenaire du Concile de Chalcédoine (451), la christologie s’était dissoute comme traité unifié et stabilisé par les affirmations cadres du célèbre Concile. Écrire cette histoire relève d’une entreprise trop vaste pour que l’on puisse raisonnablement y satisfaire. Il est préférable d’entrer de plain-pied dans les controverses et métamorphoses qui, dès les années 1903 avec la parution d’Histoire et dogme de Maurice Blondel, ont conduit le traité du Verbe incarné à se muer en une discipline appelée d’un nom nouveau, christologie. Qu’on ne s’y trompe pas. C’est un nom de science apparu lorsque la science historique et son corrélat, la philologie, eurent raison de l’unité dogmatique du canon des Écritures en le fragmentant en autant d’unités disparates soumises à la critique. L’odyssée christologique coïncide avec l’entier XXe siècle, siècle chargé de refaire les unités brisées, en les reconquérant selon de nouveaux principes. Pour y parvenir, il fallut accepter les distensions et diastases que la science historique n’allait pas tarder à produire, jusqu’à ce que l’édifice se lézarde de l’intérieur et finisse par se fragmenter en énoncés contradictoires, ou que l’on considérait tels. Pour y voir clair et ne pas devoir arpenter méandres et recoins d’une discipline nouvelle en voie de constitution, tâchons à tout le moins de comprendre et de situer comment est né ce mot de science appelé « christologie » et comment il demeura longtemps enclos dans des disputes internes, des essais de résolution endogènes, source de solutions étriquées, enserrées et corsetées par un Christ laissé seul face aux injonctions de la raison « métaphysique » et « historique ». L’entrée du terme christologie dans le lexique scientifique Nul n’a mieux décrit ce phénomène que Karl Rahner dans un texte inaugural, publié en 1954, Probleme der Christologie von Heute, et dont voici l’une des questions qui permit de désenclaver un traité de christologie qui croyait pouvoir trouver dans la doctrine des deux...

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