Mgr Charles et l'École française de spiritualité

Père Louis BOUYER
Décalogue III: Le respect du sabbat - n°111 Janvier - Février 1994 - Page n° 59

Mgr Charles fut l'un de ces prêtres qui eurent la chance exceptionnelle de faire leurs études cléricales au moment même où Henri Bremond ressuscitait, littéralement, ce que lui-même appellerait « l'École française de spiritualité », c'est-à-dire avant tout Pierre de Bérulle, Charles de Condren, et leurs épigones plus ou moins remarquables, entre autres le fondateur de Saint-Sulpice : M. Olier. Mais le grand mérite de Mgr Charles a été de ne pas se concentrer sur ces derniers, vulgarisateurs assurément non sans mérites, mais, comme tous vulgarisateurs, quelque peu tentés non seulement par la simplification, mais encore par une réduction du spirituel au sentimental. Mgr Charles, tout au contraire, a eu la sagacité de se concentrer sur Bérulle et Condren, puis, plutôt que de les expliquer par leurs épigones, de remonter pour cela jusqu'à leurs propres sources : c'est-à-dire saint Paul avant tout. Avec cela, un don extraordinaire pour attirer et retenir l'intérêt des gens intelligents mais pas sentimentaux : bien plutôt un réalisme solide et profond ! Le résultat a été un magnifique coup double. D'une part, non seulement il a attiré et retenu l'attention des genres les plus différents de pèlerins que la basilique montmartroise est susceptible d'attirer, mais il a su y capter, en particulier, des étudiants chrétiens désireux de quelque nourriture spirituelle qui fût autre chose que sentimentale.

Sans du tout tomber pour cela dans quelque intellectualisme, mais, bien au contraire, en allant droit aux questions les plus vitales que puissent se poser de jeunes intellectuels qui n'en soient pas pour autant moins réalistes dans leur quête d'une spiritualité s'incorporant à toute l'existence concrète, il a réussi auprès d'eux non moins qu'auprès du vulgum pecus ne cessant d'entrer et sortir de la basilique montmartroise. Il l'a fait, tout simplement, d'une part en ramenant sans cesse la spiritualité en question à ses sources bibliques, dans les évangiles aussi bien qu'en saint Paul, et, de l'autre, en ne craignant pas de montrer les applications les plus concrètes de tout cela à la vie chrétienne, dans la banalité même de la vie de tous les jours.

C'est ainsi qu'il a montré, en particulier aux étudiants qui se sont pressés de plus en plus nombreux sur la colline, et du même coup au tout venant, comment l'Évangile s'applique à la vie de tout le monde et de tous les jours, mais encore à ceux qui se posent un peu plus de questions, comment saint Paul aussi bien que saint Jean peuvent contribuer tout autant à enraciner la vie évangélique qu'à en préciser les applications concrètes aux problèmes les plus réalistes qui sont ceux de quiconque réfléchit sérieusement sur le sens de notre vie en ce monde et sur ce à quoi elle doit conduire, et, pour cela, à quelles sources se nourrir. D'où le «paulinisme» de Mgr Charles : son insistance, en d'autres termes, non seulement sur une vague « imitation du Christ », mais sur notre incorporation au Christ mort et ressuscité, d'où toute une vie développée « en Lui », comme le dit l'apôtre Paul, avec, comme sa conséquence concrète, une vie où chaque occupation ou préoccupation se définit « avec Lui ».

D'où le ressourcement de la pratique sacramentelle elle-même dans une fidélité baptismale au Christ mort et ressuscité, nourrie non seulement de communions fréquentes mais d'une participation consciente, sans cesse renouvelée, à la célébration eucharistique elle-même. Entendons par-là une vie non seulement nourrie de la foi au «mystère », comme dit saint Paul, «du Christ en nous, espérance de la gloire », mais de la méditation johannique sur «la vie » et «la lumière » qui découlent de la découverte en Jésus-Christ de ce qu' « il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime ». 

C'est à ces sources fondamentales que Mgr Charles est sans cesse remonté pour montrer que la dévotion au Sacré-Coeur n'est pas un simple sentimentalisme plus ou moins doloriste, mais bien une incorporation de nous-mêmes au Christ par le baptême, sans cesse nourrie par la communion eucharistique, dans cette foi vivante au «Christ en nous », source inépuisable de cette «lumière» et de cette «vie» qui doivent rayonner de toute l'existence du Christ dans toute l'existence du chrétien.


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