Gary A. ANDERSON
Notre-Père IV Pardonne-nous
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n°256
Mars - Avril
2018 - Page n° 37
Utiliser la métaphore de la dette pour parler du péché, est-ce faire de Dieu un créancier pointilleux ? Par une étude précise de l'utilisation de ce vocabulaire économique dans la littérature rabbinique, l'auteur montre qu'elle ne s'oppose pas nécessairement, comme on a pu le soutenir, à la conception d'un Dieu généreux et miséricordieux, à la « comptabilité inventive ».
Dieu agit miséricordieusement, non certes en faisant quoi que ce soit de contraire à sa justice, mais en accomplissant quelque chose qui dépasse la justice. Il en est comme de celui qui, devant cent deniers, en donne deux cents en prenant sur ce qui lui appartient. Cet homme n’agit pas contre la justice, mais il agit, selon le cas, par libéralité ou par miséricorde. De même celui qui remet une offense commise envers lui ; car celui qui remet quelque chose le donne en quelque manière ; aussi l’Apôtre (Éphésiens 4,33) appelle-t-il la rémission un don, ou un pardon : « Pardonnez- vous les uns aux autres, comme le Christ vous a pardonné1 ».
Quand on lit attentivement la Bible, on remarque aisément la variété des métaphores utilisées pour évoquer le péché des hommes. En toute logique, on est donc porté à penser qu’un ensemble conventionnel d’images devait circuler dans les temps anciens et que divers auteurs y ont puisé dans des buts rhétoriques précis. Et c’est vrai, jusqu’à un certain point. Comme je l’ai montré, le péché a une histoire, ce qui veut dire que ses représentations ont évolué tout au long de l’écriture de la Bible2. Par exemple, l’Ancien Testament a recours à de nombreuses métaphores pour évoquer le péché, mais la place d’honneur revient à la métaphore du fardeau. Or dans les sources juives contemporaines des premiers temps du christianisme, la métaphore du fardeau pour évoquer le péché a été remplacée par celle de la dette. Il s’agit là d’un changement assez inattendu parce qu’il y a peu d’occurrences d’une telle idée dans les textes hébreux de la période du Premier Temple : elle est apparue sans crier gare.
Peut-être le meilleur moyen de saisir la portée de cette transformation est-il de proposer un rapide itinéraire à travers le lexique de l’hébreu rabbinique. Attachons-nous à trois exemples représentatifs : [...]
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1 Thomas d’Aquin, Somme, I, q. 21 a. 3. NdT : La traduction française est celle, disponible en ligne, de l’Institut Docteur Angélique.
2 NdA : cet article est l’adaptation d’une partie de mon livre, Sin : a history (Yale University Press, New H aven, 2009). Le lecteur y trouvera un développement plus détaillé de la question. NdT : les écrits rabbiniques cités sont traduits en français à partir de la version anglaise établie par l’auteur ; la traduction française des textes bibliques est celle de l’AELF.
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