Angoisse de la raison

Le Pape propose un diagnostic sur le présent malaise de la rationalité : il trace l'histoire d'une pathologie.Contre ce désarroi, le christianisme soutient la raison jusqu'au bout, spécialement contre les nihilismes qui abandonnent les idées de raison et de vérité. L'amour de la vie est inséparable de l'amour de la vérité.

Le «et » du titre de l’Encyclique est en fait une charnière, car elle prend le contre-pied de l’apologétique traditionnelle, dont le rôle consistait à défendre la foi contre une raison envahissante. C’était une tâche nécessaire, et ce fut l’oeuvre du premier concile du Vatican, il y a plus d’un siècle. Le pape nous le rappelle (§ 52-53). Mais l’important aujourd’hui n’est plus de rappeler la raison à la conscience de ses limites. Il faut au contraire la défendre contre ses propres démons. La foi se fait ainsi l’avocate de la raison (§ 56).

Une certaine appréhension se fait jour tout au long de ce document. À première vue, il y a là un contraste avec les fameux premiers mots du pape au moment de son élection : « n’ayez pas peur ! » Mais le but poursuivi est le même : c’est malgré la peur que s’affirme le courage. Pour être courageux, et non pas simplement téméraire, il faut sentir jusqu’où peut aller la peur. Il n’y a donc pas de contraste. L’Encyclique, au contraire, reprend le même mot d’ordre pour l’appliquer au domaine intellectuel.

Dans ce qui suit, je résumerai d’abord le diagnostic qui nous est proposé et je le compléterai en évoquant les dangers qui menacent la raison. Je rappellerai ensuite la nature rationaliste du christianisme et la nature chrétienne de la rationalité. Je plaiderai ensuite en faveur de la dimension métaphysique de la raison. Je dirai enfin quelques mots du concept implicite de vérité qui sous-tend notre entreprise. [...]