L'Eglise vers le Monde

le 02/03/2016 par Rédaction

Aux sociétés ce que dit l’Église Communio de mars-avril 1981annonce déjà tout ce qui est présenté ici, le texte en est évidemment téléchargeable pour être facilement relu par tous.

L'éditorial de Jean-Luc Marion est toujours d'actualité avec le Pape François! La première page en est donnée:

Paradoxe sur une doctrine

TANDIS que le monde entier constate, avec un mélange de jubilation retenue et d'exaspération surprise devant tant de vitalité imprévue, que les rares hommes qui puissent faire bouger un monde figé dans le désordre glaciaire de la catastrophe programmée appartiennent au Christ — je veux dire Walesa, Esquivel, Mère Teresa, Soljenitsyne, Wojtyla, et ceux que j'oublie, et ceux que le monde ignore provisoirement ou définitivement ; tandis que seul le successeur de Pierre peut parler avec une audience mondiale des véritables questions (et ne s'en prive pas), précisément parce que tous les autres pouvoirs sont à ce point prisonniers de quelques intérêts qu'aucun homme d'État ne peut plus, sans faire hurler de rire indigné, prononcer les mots de justice, paix, bien commun, liberté ou égalité, au point que devant cet homme sans divisions (blindées) ils ne paraissent plus que légers, divisés et enfantins ; tandis que le monde a un besoin vital d'un pape qui le fustige, l'interpelle, le guide en un mot vers cet exhaussement de lui-même que ce monde à la fois redoute et désire — qui ne s'en est pas physiquement aperçu lors de la vacance abyssale qu'a provoquée la mort étrange, providentielle et ténébreuse de Jean-Paul Ier, moment où le principe pontifical s'est fait reconnaître dans un long silence angoissé? — c'est à ce moment, dis-je, que nous autres, catholiques français et intellectuels, nous nous interrogeons gravement pour savoir si la « doctrine sociale de l'Église » est (a) possible, et ensuite (b) légitime.

Par exemple en ergotant sur son caractère idéologique ou non. Mais nous pourrions nous poser à nous-mêmes une autre question : dans quelle situation nous sommes-nous mis, pour qu'un fait massif et mondial ait si peu de poids à nos yeux ? La « doctrine sociale de l'Église » n'a peut-être pas le droit d'exister, mais elle parle à l'O.N.U. et à l'U.N.E.S.C.O. ; elle rassemble les pauvres au Mexique, en Afrique, au Brésil ; elle fait reculer le fascisme en Argentine et ailleurs ; elle reçoit, bon an, mal an, un prix Nobel chaque année ; elle fait remporter au syndicalisme une victoire invraisemblable et rare ; elle inspire la lutte pour les droits de l'homme ; elle œuvre à modifier de l'intérieur les sociétés occidentales. Si, pour nous, la question la plus urgente consiste à débattre de son caractère idéologique, alors que pour des foules de chrétiens elle est devenue une réalité quotidienne, rie serait-ce pas parce que nous en sommes encore à nous désengluer de bourbiers dont nous serons bientôt les seuls et derniers locataires, n'imaginant même plus, dans cette agonie douçâtre, qu'ailleurs on puisse vivre — heureux même.

QUE se passerait-il si nous tentions de comprendre la « doctrine sociale de l'Église » à partir d'elle-même, sans y projeter le soupçon d'une idéologie — que sans doute nous ne craignons et condamnons

hautement aujourd'hui que parce que nous y sacrifiâmes autrefois, particulièrement en recevant l'enseignement du Magistère comme une contre-idéologie ? Peut-être pourrions-nous reconnaître des évidences assez paradoxales...

1Ce corps de doctrine ne constitue pas une doctrine, si par doctrine on entend une idéologie. Sans doute y repère-t-on des concepts constants, précis et opératoires : bien commun, subsidiarité, propriété privée soumise

aux exigences d'une responsabilité plurielle, droit de l'homme à prier Dieu en Église, ce qui implique les droits politiques, juridiques, économiques, culturels de se conduire comme un animal raisonnable, libre, responsable, etc. Cet ensemble, utilisé par le magistère romain depuis Rerum Novarum, remonte à des élaborations plus anciennes (Vitoria, Suarez, Thomas d'Aquin, etc.) qui n'ont d'ailleurs pas peu contribué à la constitution du droit moderne. Mais il faut remarquer qu'à aucun moment, même quand toute organisation humaine cherchait à se doter d'une idéologie « performante », l'Église n'a prétendu produire avec sa « doctrine sociale » un système achevé et « scientifique » d'explication politico-économique du monde. Jamais elle n'en a fait un modèle idéal de société, qui aurait dû venir à bout des autres. Et d'ailleurs, les échecs retentissants de certains pouvoirs politiques ne s'expliquent que par le contre-sens d'avoir prétendu trouver dans cette « doctrine sociale » un modèle directement applicable dans une situation concrète. On devrait même dire que la « doctrine sociale de l'Église » a toujours voulu se cantonner — toutes proportions gardées, comme la morale kantienne — à l'énoncé de normes formelles, par rapport auxquelles doivent se juger les réalités et les réalisations contin­gentes. Aujourd'hui, cette réserve apparaît d'autant plus remarquable que précisément, on a longtemps reproché à cette même « doctrine » de ne pas « descendre dans le concret ». Que ce refus soit au moins mainte­nant porté à son crédit ! C'est d'ailleurs justement ce caractère seulement normatif qui a donné à la « doctrine sociale de l'Église » de nourrir les vraies résistances aux véritables idéologies du fascisme multiforme et du léninisme.

 

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