La rencontre des religions

André MANARANCHE
Les Immigrés - n°64 Mars - Avril 1986 - Page n° 64

La question de l'immigration a aussi, sinon d'abord, une dimension religieuse : la rencontre du catholicisme avec l'Islam. Pour qu'une telle rencontre ne répète pas les affrontements dommageables du passé, il faut sans doute développer le dialogue, et la connaissance réciproque. Mais pour qu'elle ne se solde pas par un recul des chrétiens, il faut avoir la lucidité d'une question : le catholicisme, en France, croit-il assez en lui-même, et croit-il assez à la divinité trinitaire de son Christ?

Le phénomène de l'immigration présente de multiples facettes. L'une d'entre elles, qui n'est nullement négligeable, est la pénétration d'autres religions dans une société plus ou moins marquée par le christianisme. Le choc qui en résulte est à apprécier correctement, de part et d'autre et dans les diverses situations qui se présentent.

Côté France, il faut noter que l'entrée de religions étrangères (la foi chrétienne en fut une, au temps des martyrs de Lyon, en 177) n'est pas liée à l'immigration. Nous voyons par exemple s'introduire, depuis un certain temps, des pratiques extrême-orientales qui ne sont pas apportées chez nous par des migrants en quête d'un travail, qui demeurent des curiosités exotiques, qui ne se reproduisent pas démographiquement comme l'Islam, et qui, par conséquent, ne suscitent guère d'animosité : la construction d'un temple bouddhiste — à vrai dire situé souvent à l'écart des villes — provoque moins de polémiques que celle d'une mosquée. Par ailleurs, l'émoi causé par l'entrée de cultes nouveaux relève de sentiments fort divers. Il peut être de nature proprement religieuse : on craint alors une opération de type missionnaire, comme il en va pour les sectes, dont on redoute à la fois les convictions bizarres et les méthodes parfois déloyales. On se met aussi en garde contre le seul phénomène de séduction, issu d'un témoignage pacifique, quand on sait la déstructuration de la pensée, l'absence de formation et le manque de discernement, chez les jeunes notamment. On a peur que, dans le désarroi de tant d'hommes, affrontés au non-sens de la société séculière, la religion ancestrale et dominante ne possède plus aucun pouvoir d'attraction, étant comme usée, non compétitive, et d'ailleurs en perte de vitesse, quantitativement et qualitativement : en ce cas, l'autre, l'étranger, bénéficie de l'élan et de la fraîcheur provenant de la nouveauté... Mais l'émoi causé par l'immigration religieuse peut n'être que culturel: on imagine aisément un Français nonpratiquant, voire incroyant, qui s'offusque d'un minaret à Mantes ou à Nanterre, simplement parce que « cela n'est pas de chez nous » (et que « ça risque de faire du bruit, y compris la nuit »). De ce point de vue, comme les faits le prouvent, ce sont les vrais chrétiens qui se montrent les plus accueillants, même s'ils ne sont pas exempts d'une redoutable naïveté (parce que le don d'une église ou d'une chapelle au culte musulman est interprété par l'Islam comme une faiblesse, d'autant que l'affectation est irréversible). En conséquence, les réactions rencontrées chez nous devront être soigneusement évaluées, sans aucun amalgame. [...]

 

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