Goldorak vs. Bultmann

L'imagination aussi peut se convertir. Chez les enfants, elle ne demande même que cela. Et si le catéchisme ne satisfait pas le besoin de mythe en enseignant le seul mythe vrai, alors d'autres imposeront des mythes faux.

Une des fonctions de l'école est de former la raison et l'esprit critique de nos enfants. C'est un bien. Le catéchisme leur apprend à utiliser cette raison dans un domaine particulier, celui de la foi, et développe en eux des aptitudes plus riches que cette simple raison critique, celles du coeur, dans une relation personnelle avec Dieu qui les anime. C'est aussi un bien. Il semble cependant qu'une troisième dimension de l'esprit de nos enfants soit laissée à la friche, abandonnée aux hasards de cette forma­tion parallèle qu'était autrefois la lecture, de plus en plus relayée par la télévision. Il s'agit de l'imagination. Le goût de l'imaginaire ne vient pas de ce que l'enfant n'est pas encore assez intelligent pour distinguer le réel du merveilleux. Ce n'est pas un défaut d'esprit critique mais, comme le dit Tolkien¹, c'est la soif de savoir qui, plus forte chez l'enfant car provenant de son appétit de croissance, lui fait «dévorer» le merveilleux avec le reste. L'imagination est une des facultés par lesquelles l'enfant organise le monde qui l'entoure en faisant flèche et feu de tout bois. Si les instances éducatives la privent de bois, elle le prend où elle le trouve : c'est ainsi que le caté­chisme du mercredi matin est souvent relayé par les rêves interstellaires du mercredi après-midi.

Goldorak ou le retour du mythe

Les parents possesseurs d'un poste de télévision, ou ayant des voisins qui le sont, et doués d'une force d'âme ne dépassant pas la normale, connaissent le « phénomène Goldorak ». Par « phénomène Goldorak », nous entendons ici l'ensemble « dessin-animé-feuilleton-spatial » dont les uni­tés d'appellent Goldorak, Albator, Capitaine Flam, Ulysse 31... Une rapide analyse de cet ensemble met au jour un canevas identique : dans l'espace (nom moderne du ciel) se livre un combat sans merci entre les forces du bien et les forces du mal [...]

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1. Tolkien, Foëne (Du conte de lé : Des enfants), 1949 ; trad. fr., 1974, p. 164 s.