La religion civile entre nationalismes et globalisation

Giuseppe REGUZZONI
La démocratie - n°218 Novembre - Décembre 2011 - Page n° 51

Ce qui est en question, ce n’est pas seulement le rôle que les Églises et les religions peuvent jouer à l’intérieur des sociétés sécularisées, mais aussi et surtout les conditions pour que ces sociétés puissent survivre, et non point sombrer dans la violence de tous contre tous.

 

1. Brève introduction historique

Dans les cultures de l’Antiquité, l’expression « religion civile » aurait été une pure et simple tautologie. La religion relie : les hommes avec le Divin et, par conséquent, les hommes entre eux. Elle constitue donc un élément essentiel du « lien » communautaire. Il est vrai que la tradition étymologique qui fait dériver « religio » de « religare » est assez tardive, et que les Pères latins, Lactance et Augustin en tête, entendaient ainsi corriger ce qu’avait écrit Cicéron – pour qui le mot dériverait de « relegere », lire de nouveau, c’est-à-dire approfondir, réfléchir1. Pourtant, la lecture de Lactance2 n’est pas si éloignée de celle de Cicéron qu’on pourrait le croire, s’il est vrai qu’Augustin, qui soutient dans les Retractationes (I, 13) l’idée de « religare»3, s’aligne au contraire dans le De civitate Dei (X, 3) sur l’étymologie cicéronienne4. La religion relie à travers la réflexion. Ce n’est pas un lien comme tant d’autres : c’est un lien qui va, par définition, au-delà.

Le Moyen Âge chrétien lui aussi, qui se défi nit comme « respublica christiana » ou « societas christiana », ne se distingue guère, formellement, du modèle antique, et pourtant c’est justement au cœur du Moyen Âge occidental que se produit la « révolution » qui va porter à la pleine différenciation du milieu séculier et du milieu sacral. [...]

 

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1. De natura deorum, II, XXVIII, 72, trad. fr. Clara Auvray-Assayas, Paris, Les Belles Lettres, 2004, p. 89.

2. Divinae institutiones, IV, 28. Voir Giovanni Filoramo et Carlo Prandi, Le scienze delle religioni, Brescia, Morcelliana, 1997, p. 286.

3. Retractationes, I, 13, 9, BA, t. 12, p. 352.

4. De civitate Dei, X, 3, 2, BA, t. 34, p. 434.

 
 

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