Corps étranger ou racine ? Le christianisme et ce qu’il signifie pour l’Europe

Quels sont les rapports du christianisme et de l’Europe ? Avec sa conception nouvelle de l’homme, il sera d’abord rejeté comme un corps étranger. Mais il va ensuite irriguer toute la culture européenne. Les ambiguïtés de sa relation aux pouvoirs politiques mèneront à sa remise en question par les Lumières. Il semble se trouver aujourd’hui en Europe dans une situation semblable à celle de ses débuts. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ?

Reprise d’une conférence faite à Hamburg, le 8 février 2010 devant le « Überseeclub ».

D'un côté, le christianisme constitue une des racines de l’Europe, et l’avenir de l’Europe dans le monde dépend en grande partie du fait que les sociétés européennes en restent conscientes. Mais la connaissance de ce fait diminue dangereusement. De l’autre, le christianisme est pour beaucoup un corps étranger dans un monde guidé par la raison, les Lumières et la démocratie. Ma thèse est que cette Europe – et même d’une certaine manière le monde lui-même – ne pourra subsister sans cette bizarrerie qu’est le christianisme. En d’autres termes : l’Europe ne pourra jouer son rôle dans le concert des autres cultures du monde que si elle garde ce corps étranger qu’est le christianisme comme partie constituante de son identité.

Mais l’Europe n’est-elle pas justement en train de se séparer du concert des cultures mondiales, par sa démographie, par exemple ? Cela pourrait avoir quelque chose à voir avec le fait qu’elle est devenue le continent le plus a-religieux du monde. Je citerai ici deux voix juives qui se sont élevées à ce propos :

1) Le grand rabbin britannique Jonathan Sacks rend la culture « du consumérisme et de la satisfaction immédiate des désirs matériels » responsable du recul de la natalité en Europe. « L’Europe meurt », a dit Sacks dans une conférence à Londres en novembre dernier, « car sa population est trop égoïste pour élever assez d’enfants. Nous vivons en matière de morale le pendant du changement climatique, et personne n’en parle », a-t-il ajouté.

Le plus haut représentant du judaïsme de Grande-Bretagne décrit l’Europe comme la région la plus sécularisée du monde. C’est en même [...]

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