Le Pain où tout est dit

Père Florent URFELS
Notre Père III: notre Pain - n°250 Mars - Avril 2017 - Page n° 6

« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. » Ces quelques mots sont en apparence si simples que nous avons du mal à imaginer comment un numéro entier de Communio pourrait leur être consacré. En réalité, la quatrième demande du Notre Père opère un tournant stratégique dans l’oraison dominicale. Il s’agit d’en découvrir la signification en explicitant la richesse symbolique des mots qui la composent mais aussi en se rendant attentif à sa logique paradoxale : quel sens y a-t-il à demander à Dieu ce que nous achetons tous les matins chez notre boulanger ?

Le pain au-delà du spirituel et du matériel

Au premier regard donc, l’objet de cette demande concerne un besoin de l’homme et parmi les plus immédiats : il n’est plus question du Nom de Dieu, de son Règne ou de sa volonté, mais de la nourriture sans laquelle s’éteint la vie la plus élémentaire, celle du corps. Cet abaissement du céleste vers le terrestre, préparé par la troisième demande (Matthieu 6,10 : « comme au Ciel, aussi sur la terre »), correspond à une césure stylistique. Les demandes en « tu », où l’homme exprime des souhaits qui le dépassent par leur contenu même (car enfin qui peut savoir ce qu’est exactement le Nom de Dieu ou sa volonté ?) laissent place à des requêtes en « nous » apparemment moins mystérieuses. Marc Philonenko suggère également que les demandes en « tu » du Notre Père constituent « la prière individuelle, personnelle et habituelle de Jésus […] que ses disciples ont pu entendre, sans y prendre part », tandis que la deuxième partie exposerait « cette prière des disciples dont la situation ne se confondait pas avec la sienne1 ». La deuxième partie du Notre Père, quoique s’abaissant jusqu’à la terre des hommes, n’est pourtant pas d’une clarté totale. Pour n’évoquer que la demande du pain, à laquelle est consacré le présent cahier, les versions matthéenne comme lucanienne le qualifient d’un énigmatique epiousios qui n’est attesté nulle part avant les évangiles. S’agirait-il d’un néologisme chrétien ? Aurait-il trouvé naissance dans le cadre liturgique des premières communautés où, en même temps que l’on récitait la prière reçue du Seigneur, l’on participait au banquet qu’il nous a laissé en mémorial ? Cette hypothèse, qui confère [...]

 

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1 Marc Philonenko, Le Notre Père. De la prière de Jésus à la prière des disciples, Paris Gallimard, 2001, p. 165-166.


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