Christian BOUDIGNON
Notre Père III: notre Pain
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n°250
Mars - Avril
2017 - Page n° 41
– À propos des interprétations patristiques de la quatrième demande du Notre Père
Les trois pains correspondent à trois traditions de commentaire issues de Tertullien, Origène et Grégoire de Nysse. Tertullien analyse le pain demandé comme le pain eucharistique et le pain nécessaire à la vie ; « epiousios » est rendu par « quotidien ». Origène voit dans le pain l’enseignement spirituel du Christ et rapproche « epiousios » de « substance » ou d’« essence ». Grégoire de Nysse revient à l’interprétation du pain comme celui qui permet de satisfaire un besoin nécessaire ; « epiousios » devient synonyme de « ephémèros », « pour la journée »
Dans une nouvelle du Livre des sables, Borges nous parle d’un barde nordique d’autrefois, Ulf Sigurdarson, à la recherche de l’unique mot qui compose la poésie d’un peuple :
« Dès que j’ai su que la poésie des Urniens se réduisait à un seul mot, je me suis mis à leur recherche et j’ai suivi la route qui devait me mener jusqu’à leur pays1... »
Nous inviterons le lecteur à partir à la recherche d’une pareille énigme, la prière du Notre Père, en un temps lointain, lorsque le christianisme qui s’était répandu dans l’Empire gréco-romain se détachait peu à peu de ce qui deviendrait le judaïsme rabbinique. Alors que la prière du Notre Père est livrée sans beaucoup de commentaire dans l’Évangile de Matthieu, dans l’Évangile de Luc, dans la Didachè ou Enseignement des Apôtres2, et peut-être dans un évangile judéo-chrétien perdu, l’Évangile des Nazaréens, la situation change complètement à partir du IIIe siècle : le Notre Père est devenu énigmatique… Comme si le texte n’était plus vraiment compréhensible en soi, on en voit apparaître des explications dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur la prière. Et tout particulièrement la quatrième requête : « Notre pain epiousion donne-nous le aujourd’hui », cette demande très concrète du pain va faire l’objet de réélaborations dans le cadre d’une polémique contre la prière païenne. Quelles sont-elles ? D’autre part, le terreau sémitique de la prière du Notre Père fait que sa traduction en grec (et à plus forte raison encore en latin) apparaît problématique. Comment comprendre l’adjectif grec epiousion3 qui qualifie le pain demandé ? S’agit-il de pain quotidien, supersubstantiel, ou du pain du lendemain ?
Il faut commencer par tracer le cadre historique des commentaires des Pères grecs et latins. [...]
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1 Jorge Luis Borges, « Undr », Le livre des sables, trad. F. Rosset, Paris, 1986, p. 94.
2 Ce recueil de prescriptions juridiques et liturgiques date de la fin du Ier siècle (ou du début du IIe siècle).
3 Nous gardons en transcription ce mot énigmatique d’epiousion à l’accusatif (au nominatif : epiousios).
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