Trois conditions à un « huitième jour éternel »

R. P. Georges CHANTRAINE S. J.
Le pluralisme - n°46 Mars - Avril 1983 - Page n° 2

Editorial 

Le dimanche ne devient chrétien qu'à trois conditions : qu'il soit fête, fête de la Résurrection, et de la Résurrection qui suspend le cours banal des choses.

Les deux premières pages, 2 et 3, sont jointes

  TANT le droit canon (can. 1247, § 1) que le Concile de Vatican II qualifient le dimanche de « jour de fête » ; le concile précise même que ce jour de fête est « primordial », ce qu'il explique ainsi : « L'Église célèbre le mystère pascal en vertu (ex) d'une tradition apostolique qui tire son origine du jour même de la Résurrection du Christ, chaque huitième jour, qui est nommé à bon droit jour du Seigneur ou dimanche » (1). De plus, le droit canonique range « tous les dimanches et chacun d'eux » parmi les « jours de fête de précepte » et il prescrit d'entendre ce jour la messe, de s'abstenir des œuvres serviles, des actes judiciaires, de même que, sauf coutumes contraires légitimes ou indult particulier, de marchés publics, de foires et d'autres ventes publiques aux enchères (can. 1248).
  Ainsi, le dimanche est un jour de fête ; ce qui y est fêté, c'est la Résurrection du Seigneur en vertu d'une tradition apostolique, et ce jour de fête est également de précepte.
  Tels sont, croyons-nous, les éléments essentiels d'une réflexion sur le dimanche comme de sa pratique. Les difficultés concernant la célébration dominicale proviennent principalement de la difficulté de tenir et de coordonner ces trois éléments. Il y a, en effet, les dimanches plats de ceux qui satisfont au précepte, mais sans participer à aucune fête ni sans se souvenir en quelque manière du Ressuscité (sont-ils si nombreux ?). Il y a les dimanches où des chrétiens se mettent en fête, mais leur fête est-elle celle de la Résurrection, et la reçoivent-ils encore de la Tradition apostolique (c'est ce que rappelle le précepte) ? Ce serait notamment le cas, à ce qu'on écrit, de ces « croyants non pratiquants » (2) qui désertent les églises à cause du « légalisme » des célébrations (3), de la coupure qu'ils y sentent entre le culte et l'engagement (4). A l'inverse, des croyants pratiquants déserteraient sur la pointe des pieds ce type de célébration, parce que précisément ils n'y trouveraient plus trace — ou plus assez trace — de la présence et de l'action du Sauveur (5). Enfin, il y a les « tristes dimanches », second jour d'un week-end. Le loisir qu'on y prend n'est pas habité par la fête et n'y procure pas le repos, mais au mieux la détente.
  Esquissons donc une réflexion sur le dimanche en liant entre eux ces trois éléments constitutifs.

1. LE dimanche est d'abord un jour de fête. Sans fête, pas de dimanche.
 Proudhon l'a montré avec force dans son mémoire De la célébration du dimanche (6) : « Sans culte et sans fête, point de religion » (p. 70). Et la fête demande une cessation de l'activité (sabbat) ; ce qui est propre à l'homme, car « fidèles à leurs instincts, les animaux ne s'arrêtent pas plus que les plantes » (p. 68). Cette cessation du travail n'est pas réservée aux loisirs ni à la détente, mais au repos du corps qui donne « un surcroît d'activité à l'esprit » (p. 69) : c'est alors que l'esprit peut s'affirmer en lui-même, dans sa transcendance par rapport au monde et à ses conditionnements, dans ce que Proudhon appelle « la solitude » (p. 67). Moïse eut le génie de créer autour de ses « paysans » « une solitude qui ne détruisît point la grande affluence et qui conservât tout le prestige d'un véritable isolement : ce fut la solitude des sabbats et des fêtes ». Il voulait par là « non pas une agglomération d'individus, mais une société vraiment fraternelle » (p. 41). C'est encore ce que la célébration du dimanche ne laisse pas de produire : « Dans toutes les conditions (sociales), l'homme ressaisit sa dignité, et dans l'infini de ses affections, il reconnaît que sa noblesse est trop haute pour que la distinction des rangs puisse la dégrader et l'avilir » (p. 51).


(1) Constitution sur la Sainte Liturgie, n° 106 ; repris par les Normes universelles pour l'année liturgique, n° 4.

(2)    R. Gantoy, "Réflexions à propos de la pratique dominicale", dans Communautés et liturgies, 1975, p. 206.
(3)    R. Gantoy et M. Veys, "Réflexions à propos de la pratique dominicale", dans Paroisse et liturgie, 1973, p. 196.
(4)    R. Gantoy, art. cit., p. 214-215.
(5)    Cf. à ce sujet les études de R. Pannet. Peut-être l'engagement que demande la réforme liturgique est-il aussi une cause de telles désertions (cf. R. Gantoy et M. Veys, art. cit., p. 199).
(6)    P.-J. Proudhon, (Œuvres complètes, nouvelle édition sous la direction de C. Bouglé et H. Moysset, Paris, 1926. (Les références renverront à cette édition.)


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