Cardinal Jean-Marie LUSTIGER
La vérité
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n°72
Juillet - Aout
1987 - Page n° 8
Il n'est pas demandé au témoin du Christ de témoigner de la vérité selon sa probité intellectuelle, son honneur ou sa force de conviction. Dans tous ces cas, la vérité reste soumise, à la raison, au jugement, à la mort (qui peut indifféremment témoigner de n'importe quelle cause). Mais avec le hrist, c'est la vérité elle-même qui témoigne, puis qui témoigne en ses disciples.
Le témoignage de la vérité, martyre, n'est pas preuve, mais épreuve — de la Passion.
LE terme de vérité s'applique à un grand nombre de domaines : il y a une vérité scientifique, une vérité de l'infor- mation, une vérité des relations humaines et personnelles, une vérité même dans la convention artistique. En quel sens parler de vérité dans le champ de la foi chrétienne ? S'agit-il là d'une simple extension de l'emploi commun (ou d'un des emplois communs) ou plutôt d'une compréhension nouvelle que, sans le Christ, le monde n'aurait point connue ? La foi chrétienne peut-elle méditer la vérité comme un mystère et un mystère qui appelle son témoin ? Comment se dit et se donne la « vérité » en termes spécifi- quement bibliques ? Sur le mode et au rythme du témoignage. La vérité biblique ne se dévoile pas immédiatement, en sorte de dispenser de l'intermédiaire d'un témoignage ; elle ne se fait accessible que par et dans le témoignage et la garantie qu'en offre un témoin. Ainsi Jean le Baptiste «...a témoigné de la vérité» (Jean 5, 33) ; ainsi Jean le disciple pose que «...son témoignage est vrai et lui sait qu'il dit vrai » (Jean 19, 35), «...(il) témoignait de ces choses (...) et nous savons que son témoignage est vrai » (Jean 21, 24). La vérité s'appuie ici sur un témoignage dont la véracité repose à son tour sur un second témoignage : témoignage au second degré. Mais ne trouvons-nous pas ainsi comme une conception nihiliste de la vérité ? Dans cette perspective dite moderne, celui qui témoigne de la vérité ne la confirme et ne l'assure que parce que, d'abord et plus essentiellement, la vérité semble (à ses interlocuteurs mais aussi à lui) affaiblie, attaquée et incapable de s'impo- ser elle-même. Mais qu'est-ce que la vérité si seul le témoin apporte l'argumentation décisive et les raisons qui doivent emporter la conviction et faire reconnaître la vérité comme vérité ? N'est-ce pas que la vérité n'est pas capable de s'imposer, de se révéler, de s'attester elle-même ? La vérité n'est plus autoréférentielle si son témoin, devenu la source réelle de sa validité, en assume le rôle et la fonction. S'il faut « témoigner de la vérité », n'est-ce pas que la vérité a été obscurcie ? C'est l'heure du sceptique et du sophiste : tout énoncé ne vaut plus que par la force qui l'atteste et l'impose, non point par sa vérité propre. Peu importe ce que l'on croit ou ce dont on témoigne : l'essentiel tient à la force de conviction et à la puissance d'imposition. Cette supériorité du témoin sur la « vérité » qu'il atteste et annule en même temps caractérise le nihilisme. Elle peut prendre deux orientations.
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