Les Cieux qui s’ouvrent –Sur le pardon de l’impardonnable

M. Serge LANDES
La miséricorde - n°243 Janvier - Février 2016 - Page n° 109

Jacques Derrida et Paul Ricoeur :  deux philosophes pour méditer la difficulté du pardon,   « scandale » ou « folie » pour la raison, paradoxe d’un impossible réalisé. C’est que la victime du crime peut ne pas pardonner. La grâce divine qui permet le pardon ne fait pas nombre avec les raisons humaines : aussi les difficultés des philosophes à penser le pardon invitent-elles à user avec prudence et précision des pensées post-modernes ou herméneutiques en situation théologique.

 

Après d’autres, Jacques Derrida et Paul Ricoeur ont longuement examiné la question de la possibilité du pardon1. Lorsqu’ils ne peuvent décider, ou quand leur embarras devient affolement de la raison, les philosophes sont précieux : leur démarche fait voir à neuf l’inouï du pardon et l’énormité de la miséricorde. Cela fait pressentir aussi ce qu’envisage Pascal, qui renverse l’attente ordinaire d’une miséricorde hors norme en la nécessité d’une justice divine qui soit tout aussi déconcertante : « Il faut que la justice de Dieu soit énorme comme sa miséricorde » (Pensées, fragment 418 de l’édition Lafuma). Nous sommes si habitués à partir d’une supplication à Dieu (exemplairement, le psaume 51), à nous centrer, dans la parabole du fils prodigue, sur notre situation au père/Père (lequel des deux fils sommes-nous ? en quelle part l’un ou l’autre ?) qu’il est bon de méditer la situation de la victime qui s’affronte au crime dévastateur et en a subi la souffrance immonde. Jacques Derrida comme Paul Ricoeur méditent le crime commis contre autrui, ils privilégient les figures les plus négatives, voire l’innommable, l’atroce. L’arrière-plan historique de leur réflexion est, bien sûr, ce vingtième siècle où ont abondé crimes de guerre systématiques, crimes de masse, exterminations politiques, apartheid, et toutes les formes de génocide. 

Ces deux philosophes, quand ils méditent le pardon, se heurtent donc à ce que Derrida désigne volontiers, après Kant, comme le mal radical – ou le pire. Quelle peut être notre miséricorde lorsque nous sommes confrontés au monstrueusement mauvais ? Un pardon est-il alors possible ? Le scandale de la possibilité du pardon La difficulté soulevée par Jacques Derrida doit être derechef méditée : « S’il y a quelque chose à pardonner, ce serait ce qu’en langage religieux on appelle [...]
 

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1 Jacques Derrida : Le Siècle et le Pardon. Entretien avec Michel Wievorka, publié tout d’abord dans le Monde des débats en décembre 1 999, republié au  Seuil, collection Points Essais n°447, en complément de Foi et Savoir. Disponible intégralement en ligne sur de nombreux sites qui copient celui du Monde des débats. Noté ci-après (S.P.). Paul Ricoeur, dans La mémoire, l’histoire, l’oubli (Paris, 2000) consacre tout son épilogue, titré « Le pardon difficile » à cette question – pages 593 à 656 ou 657. Noté ci-après (M.H.O.) Paul Ricoeur médite, cite amplement et critique, entre autres, Jacques Derrida. Le présent article, très succinct, a dû négliger une abondante bibliographie qui va des écrits de Vladimir Jankélévitch à Certitudes négatives, de Jean-Luc Marion (Grasset, 2010), Chapitre IV. 


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