M. Nicolas AUMONIER
Vieillir
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n°264
Juillet - Aout
2019 - Page n° 61
Il y a, selon les circonstances, au moins deux manières chrétiennes de vivre âgé : chercher à maintenir nos aptitudes ou décider de nous en passer. Sans compter la souffrance. Cette faiblesse et cette souffrance, si elles sont offertes, ont un pouvoir de libération et de sanctification.
Mon grand-père maternel avait une cousine germaine qui mourut centenaire en 2005. Elle était toujours d’une joie souriante, pleine d’attentions. Elle dit un jour à ma mère, qui s’indignait que ce fût elle qui prît l’autobus pour aller la voir : « Ma chérie, je fais aujourd’hui ce que je faisais hier pour pouvoir le faire demain ». Athlète de haut niveau, la personne âgée connaît le prix et la vertu de l’entraînement quotidien, dont l’interruption est source de perte irréversible de capacités. Ici, tout est dit en une seule phrase de la précarité qui menace si l’entraînement s’interrompt. La ténacité de l’entretien quotidien d’une capacité lie l’aptitude présente à celles qui la précèdent et qui la suivent. La discipline quotidienne est une action continuée qui place la volonté au coeur du temps qui m’est donné. Le temps, métaphysiquement, est implicitement compris comme une action continuée, celle de ma volonté, pour servir celle de Dieu. Il peut être bon, lorsque guettent la paresse ordinaire, le découragement ou la fatigue, de rappeler les vertus d’une discipline de vie qui permet de continuer à être tourné vers les autres.
Mais le cours de nos vies n’est pas linéaire et un accident, une perte irréversible de capacité peuvent produire une rupture à partir de laquelle plus rien ne sera plus comme avant. Souvent, le premier réflexe consiste à essayer de recouvrer tout ou partie de la capacité perdue. Tels, à force de volonté, réussissent à recouvrer l’usage de la parole après un arrêt vasculaire cérébral ou un accident ischémique transitoire. Parfois, il ne s’agit plus de recouvrer ce qui pouvait être énoncé par les moyens précédents, mais d’inventer une nouvelle manière de parler avec les moyens nouveaux dont ils disposent. Un prêtre, aumônier de la maison de retraite des soeurs de Chambéry1, dit volontiers qu’il a plus appris là que dans tout son ministère antérieur. La vie est très difficile, dit-il, pour qui vit dans l’attente de recouvrer une capacité définitivement perdue. C’est une manière de vivre dans le passé, et finalement, de ne pas vivre. Si, en revanche, la personne, plus ou moins irrémédiablement diminuée, fait avec les moyens du bord, sans chercher à recouvrer ce qui ne peut plus l’être et dont elle disposait il y a encore bien peu, une telle personne, en décidant de se tourner vers l’avenir et non vers le passé, peut encore [...]
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1 Le Père Fontaine
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