L’article s’appuie sur une étude scripturaire et sur le travail de Hans Urs von Balthasar pour mettre en évidence ce qu’est l’angoisse chrétienne. Il est ainsi possible de caractériser l’attitude chrétienne face à la crise écologique.

Un chrétien peut-il vivre sans angoisse les temps que nous traversons ?

L’éclairage des Écritures et de Balthasar

L’heure est à la prise de conscience croissante que notre maison commune risque de devenir largement inhospitalière, sinon plus, à l’échelle de deux ou trois générations. La disparition désormais envisageable de notre manière de vivre, si ce n’est de notre civilisation voire, pour les plus alarmistes, de notre humanité, nourrit le sentiment de voir arriver la fin des temps, dans une disparition que d’aucuns qualifieraient d’apocalyptique, pour exprimer à quel point il s’agit d’une fin brutale et totale, terrifiante. On parle à cet égard, avec un vocabulaire aussi moderne que vague, d’écoanxiété. Mais faut-il aller jusqu’à parler d’apocalypse ? Pour un chrétien, la question se pose, tant le contenu du Livre de l’Apocalypse semble relever d’une autre perspective, à l’inverse de l’angoisse que l’on associe couramment à l’imaginaire apocalyptique : la révélation que Dieu a faite de lui-même – son « dévoilement » pour reprendre le sens étymologique d’apocalypse – n’est-elle pas motif d’espérance ?

Pour autant, les chrétiens sont-ils par principe libérés de toute angoisse ? Dans un récent numéro de la revue allemande de Communio, Ludger Schwienhorst-Schönberger a rappelé que les théophanies, pour effrayantes qu’elles soient, s’accompagnaient généralement d’une invitation à ne pas avoir peur ¹. La fine pointe de la question de la peur dans les Écritures serait ce passage de la première épître de Jean : « la peur n’existe pas dans l’amour, mais l’amour parfait chasse la peur » (1 Jean 4,18) ². Dans la mesure où Dieu invite les croyants à une réponse de confiance et d’amour, la peur, qui est en quelque sorte leur contraire commun, n’aurait plus lieu d’être. À rebours, pourtant, Hans Urs von Balthasar, à la suite de Kierkegaard, a consacré une étude profonde à éclairer l’expérience fondamentale de l’angoisse ...

 1 Ludger SCHWIENHORST-SCHÖNBERGER, « Furcht und Furchtlosigkeit in der Bibel », Communio 52 (2023), p. 140-151

  2 Ibid., p. 148.

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