Instaurer, restaurer ,réformer le missel romain - Temps de la réforme et réforme du temps au moment conciliaire

De la traduction du missel en 1962 à l’édition du missel de 1969, l’histoire des livres liturgiques permet de saisir sur le vif la difficulté de mettre en œuvre concrètement, dans l’urgence, le programme défini par le concile Vatican II.

Instaurer, restaurer, réformer le missel romain - Temps de la réforme et réforme du temps au moment conciliaire

La réforme de la liturgie − c’est-à-dire, dans le vocabulaire du Concile, le « renouveau » liturgique et la « restauration » liturgique − est un lieu exemplaire pour tenter d’analyser les principes et les applications de la réforme au sein de l’Église. Inscrit dans la très longue durée − puisqu’il existe dans l’Église, au moins depuis saint Jérôme, une tradition de saints traducteurs et un habitus ancien de traduction− le renouveau liturgique mis en place dans les années 1960-1970 obéit toutefois également aux urgences de l’heure conciliaire et à l’exigence quelque peu impérative de l’aggiornamento. La liturgie renouvelée, prise dans la double contrainte temporelle de la longue durée et de l’urgence, semble offrir cependant une nouvelle illustration de l’adage de Guiseppe Tomasi di Lampedusa, l’auteur du Guépard, selon lequel il fallait que tout change pour que rien ne change. En l’occurrence, avant et après le Concile, c’est assurément un « semper idem » qu’il faut tenir dans la célébration des saints mystères et dans l’actualisation du don christique. C’est là, certes, tout résumer à l’essentiel, mais ce serait aussi manquer le sens de l’épaisseur du temps et les étapes parfois délicates du renouveau liturgique, dont l’histoire du nouveau missel restauré et instauré donne un aperçu.

Un point de lexique s’impose auparavant. Dans le latin des textes conciliaires, et dans leur traduction vers le français, il n’était pas question de réforme liturgique, mais d’une instauratio, en vue d’une « augmentation », d’une « intensification » et d’une « fortification » de la liturgie. En français, le terme est traduit par restauration, non pas naturellement au sens politique d’un retour à la situation ante, mais au sens patrimonial, comme on restaure une œuvre d’art quand on tente de réparer les injures du temps et d’en ôter, par exemple, la couche de vernis jaunissant les couleurs d’un tableau, afin d’en retrouver la clarté originelle ¹. Dans la traduction française de Sacrosanctum Concilium, la constitution conciliaire de 1963, il n’était ainsi pas question stricto sensu *

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1 Voir par exemple Sacrosanctum Concilium, 1963, 21 : « Cette restauration doit consister à organiser les textes et les rites de telle façon qu’ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient. »