L'Eglise et les Etats

Simon DECLOUX
Les chrétiens et le politique - n°6 Juillet - Aout 1976 - Page n° 33

Il n 'y a plus d'Etat de l'Eglise ; l'Etat du Vatican n'est qu'un moyen au service de l'universalité spirituelle du catholicisme.

 

La perspective de cet article est volontairement limitée. Nous ne cherchons pas à juger la situation actuelle des rapports mouvants entre l'Eglise et l'Etat dans tel ou tel pays, mais à comprendre la nature de ces rapports à partir de quelques aspects particuliers. Tous mènent à reconnaître trois paradoxes qui constituent l'Eglise et en éclairent la rencontre avec les Etats : l'Eglise est société universelle en même temps que particulière, société eschatologique en même temps qu'historique et institutionnelle, société irréductible à la dimension politique de l'homme et de la société en même temps que nécessairement présente à la réalité politique des personnes et des communautés nationales.

1. L'Eglise, société universelle et particulière

Une première affirmation — décisive — peut être posée pour distinguer la nature de l'Eglise de celle des Etats : alors que ces derniers sont nécessairement particularisés selon les nations dont ils organisent l'histoire, l'Eglise est de soi universelle, puisqu'en elle toute particularité historique est définitivement dépassée. Saint Paul ne l'a-t-il pas écrit dans ce raccourci auquel rien ne semble devoir être ajouté : dans l'Eglise, Corps du Christ, rassemblement des hommes en Jésus-Christ, «  il n'y a plus ni hommes ni femmes, ni Juifs ni Grecs, ni hommes libres ni esclaves ».

Cette affirmation est vraie et décisive parce qu'elle définit l'Eglise en fonction du rassemblement opéré par Jésus de tous ses frères. En communiquant à tous les siens l'Esprit qui fait d'eux avec Lui et en Lui des enfants de Dieu, le Seigneur ressuscité n'opère-t-il pas l'unité de l'humanité au-delà de toutes ses divisions et de ses distinctions historiques ? Et l'Eglise peut-elle trouver ailleurs que dans cet Esprit de Jésus, qui fait d'elle son Corps à la gloire du Père, sa réalité propre ?

Affirmation vraie et décisive... Et que, cependant, à regarder les choses d'un autre regard, il ne serait pas difficile de mettre en cause et, en un sens, de renverser totalement. Prenez en effet un Etat, n'importe quel Etat ; ne devrez - vous pas nécessairement reconnaître que, dans l'unité qu'il compose, les différences religieuses découpent des groupes particuliers ? Et n'est-ce pas la leçon même du « pluralisme » aujourd'hui souvent répétée (comme au XIXe siècle celle du libéralisme), de rappeler aux chrétiens qu'ils ne peuvent s'enfermer dans leur groupe particulier s'ils veulent concourir au bien commun, c'est-à-dire au bien universel du groupe social dont ils font partie avec d'autres ? [...]

 

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