Le sacerdoce est-il compatible avec l’homosexualité ?

Mgr. Tony ANATRELLA
Louis Bouyer - n°186 Juillet - Aout 2006 - Page n° 97

Signets

L’Instruction pour l’Éducation catholique publiée le 29 novembre 2005, approuvée par le Pape Benoît XVI, confirmant le rejet de l’accès des personnes homosexuelles aux ordres sacrés, a été l’objet d’interprétations qui appellent une mise au point.

Tout le texte est joint

«Le Christ a besoin de prêtres mûrs, virils, capables de cultiver une authentique paternité spirituelle. »

 

Allocution de Benoît XVI aux prêtres polonais le 25 mai 2006.

 

 LA Congrégation pour l’Éducation catholique a publié, le 29 novembre 2005, une Instruction approuvée par le pape Benoît XVI, et rejetant l’accès des personnes homosexuelles aux Ordres sacrés (diaconat permanent et sacerdoce). Ce document, accompagné d’un commentaire autorisé, a été rendu public dans l’Osservatore Romano du 30 novembre 2005 [[Ces deux textes ont été publiés dans La Documentation catholique (DC), n° 2349 du 1er janvier 2006.]]. De quoi s’agit-il ?

1. Un document normatif

L’Instruction est le cadre choisi, comme le définit l’article 34 du Code de Droit canonique, pour rappeler une exigence normative de l’enseignement de l’Église au sujet des critères de discernement de la vocation. Certains ont prétendu qu’il s’agissait d’éléments de réflexion laissés à la libre appréciation des formateurs, une interprétation (p.98) tendancieuse au regard du statut juridique de ce document dans le droit de l’Église. Faut-il le rappeler ? Tout document publié par une Congrégation du Saint-Siège Apostolique exprime la pensée du Magistère. – Un religieux se présentant comme formateur a écrit :

« Seuls les formateurs sont maîtres de la décision concernant un candidat...les déposséder de leur pouvoir de décision, c’est porter atteinte à leur autorité masculine. »

 

À travers cette formulation puérile, il s’attribue un rôle de toute-puissance. Le Conseil du Séminaire ou d’une Maison de formation sacerdotale pour les religieux ne peut statuer sur une candidature aux Ordres sacrés qu’en s’inspirant des critères exigés par l’Église. En dernier ressort, c’est l’Évêque ou le Supérieur Majeur qui appelle.

2. Un sentiment d’injustice face à une exigence constante

Certaines personnes concernées ont pu être blessées et éprouver un sentiment d’injustice, voire d’exclusion. Il n’a jamais été question de remettre en cause la validité de l’ordination de prêtres qui se trouvent dans cette situation et qui ont souvent découvert tardivement une orientation homosexuelle. Le document ne concerne que les séminaristes et ceux qui présentent leur candidature pour entrer en formation. Il importe donc de regarder ce que dit réellement l’Instruction. Avec délicatesse, le texte souligne le respect dû aux personnes, la place de chacun dans l’Église, qui souhaite les aider à vivre leur foi au Christ, selon les exigences évangéliques. Cependant, le désir de devenir diacre permanent ou prêtre n’est pas, en soi, un droit à l’être [[Catéchisme de l’Église catholique, n° 1578.]], et personne n’est obligé de choisir cette voie. Il revient à l’Église de juger des aptitudes et des qualités des candidats, conformément à sa conception des ministères ordonnés. En revanche, les prêtres sont appelés à être fidèles à leurs engagements et aux conséquences morales de ces derniers, et à savoir présenter l’enseignement de l’Église.

Le non-accès aux Ordres sacrés des personnes homosexuelles est une exigence permanente de l’Église. Elle trouve sa source dans l’anthropologie biblique et a toujours été affirmée dans la tradition conciliaire, dès les premiers temps de l’Église. Elle est un des critères (p.99) objectifs du discernement d’une vocation. Elle a été relativement négligée ces dernières années, ce qui a entraîné, de ce fait, divers problèmes. Des conduites personnelles non-conformes à ce que souhaite l’Église, ou déviantes par rapport à ce qui constitue la norme morale en matière sexuelle, ne peuvent être justifiées au nom de la séparation entre vie sacerdotale et vie privée. De façon plus générale une tendance sexuelle prévalente dans la personnalité et, ici, en dysharmonie avec l’identité sexuelle, détermine la relation à soi et aux autres. Elle développe souvent des attitudes incompatibles avec le ministère sacerdotal. Il y a certes des prêtres qui restent malgré tout cohérents, mais cela n’est pas suffisant pour que l’Église revienne sur cette exigence car il y a d’autres enjeux dont nous devons tenir compte.

3. Une critique fondée sur l’indistinction sexuelle

Des critiques ont été exprimées contre le texte de l’Instruction. Ainsi, le frère Timothy Radcliffe o.p. a soutenu que « ce qui est essentiel, c’est de former des prêtres qui aient acquis la “maturité affective” et soient à l’aise dans leur relation avec hommes et femmes [...]. Ces critères doivent s’appliquer de la même façon à tous les candidats, sans faire de distinction selon leur orientation sexuelle » (Documentation catholique, n°2349). Il laisse ainsi penser que l’on peut dissocier l’orientation sexuelle de la maturité. Or l’Instruction dit qu’une orientation sexuelle recherchée pour elle-même, en contradiction avec l’identité sexuelle, est toujours l’expression d’une immaturité foncière. D’ailleurs, du point de vue de l’économie psychique, cette orientation particulière demeure le symptôme d’un conflit intrapsychique irrésolu et non pas une variante de la sexualité humaine [[Tony ANATRELLA, Le règne de Narcisse, Les Presses de la Renaissance. André GEEN, Les chaînes d’éros, Odile Jacob.]]. Une telle immaturité n’est pas comparable à celle que l’on peut observer dans le cas de personnes hétérosexuelles, et qui peut être un handicap pour être appelé au diaconat permanent et au sacerdoce. Certes, en soi, l’hétérosexualité n’est pas un brevet validant une maturité affective, loin s’en faut. Mais on ne peut pas établir une équivalence entre l’hétérosexualité fondée sur l’altérité sexuelle et l’homosexualité dépendant d’une relation en miroir avec le même que soi. Elle contribue à nous (p.100) enfermer dans la confusion des sentiments et dans l’indistinction sexuelle. On ne peut dissocier la personnalité de sa structuration sexuelle, et affirmer que, pour Dieu, c’est un aspect secondaire. Comme si Dieu appelait des hommes aux ministères ordonnés en dehors de leur condition sexuée, et si l’Église devait se fier à leurs désirs sans avoir à tenir compte des critères qui valident une vocation !

4. Les sources de la pensée de l’Église au sujet du sacerdoce et de l’homosexualité

La pensée de l’Église portant sur les caractéristiques objectives de l’appel aux Ordres sacrés dépend de la théologie du sacerdoce (voir le décret de Vatican II sur La vie des prêtres et de Jean-Paul II : Je vous donnerai des pasteurs). La pensée de l’Église concernant l’homosexualité est résumée dans les trois articles du Catéchisme de l’Église Catholique, n° 2057 à 2059. Elle est fondée sur la conception biblique et théologique de la sexualité humaine et du couple formé entre un homme et une femme. Elle s’articule également sur un donné anthropologique de fait : la différence sexuelle qui est un des aspects essentiels de la structuration psychologique et sociale de la personne. L’homme appelé au sacerdoce doit être dans cette cohérence. – Si la pensée du Magistère se suffit à elle-même, elle s’appuie néanmoins sur des arguments anthropologiques, de valeur universelle, qui sont accessibles à la raison (loi naturelle) [[Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Homosexualitatis Problema, 1er octobre 1986. Ce texte rappelle que la réflexion théologique peut s’appuyer sur les résultats des sciences humaines. Il souligne aussi le lien de solidarité qui existe entre la Bible et la pensée de l’Église au sujet de l’homosexualité là où certains commentateurs affirment que la Bible ne dit rien à son sujet ou qu’il faut relativiser certains textes en les réduisant à leur contexte.]]. C’est pourquoi la démarche de l’Église, quand elle aborde des problèmes sociaux et moraux, mais aussi des règles ecclésiales, s’inspire toujours d’un fondement théologique articulé avec des aspects anthropologiques, voire psychologiques. Surtout quand il s’agit d’invariants humains qui sont à l’origine du couple, du mariage, de la famille, de la filiation et du lien social, et signifient le sens de la sexualité humaine. Une orientation sexuelle particulière est insuffisante pour inspirer une relation humaine significative et des choix de société, ainsi que la vie religieuse. De plus, les découvertes de la psychanalyse (p.101) permettent de dégager les structures psychiques en cause dans la genèse de l’homosexualité. L’anthropologie et la psychologie viennent ici donner d’autres arguments à la pensée du Magistère, qui s’inspire de la source biblique et théologique [[5. De très nombreux théologiens, théologiens moralistes et exégètes ont bien mis en perspective les problèmes théologiques, anthropologiques et moraux posés par l’homosexualité. L’exégète Paul BEAUCHAMP résume ainsi les enjeux : « En dissociant structurellement la procréation de la sexualité, la conduite homosexuelle obture directement le message de la Création qui nous dit la vie comme don reçu, et par conséquent comme don à transmettre » (in La Loi de Dieu, Paris,1999). Voir Anthropotes, revue de l’Institut Pontifical Jean-Paul II, La question homosexuelle, 04.XX.2.]]. 5. Être capable d’aimer une femme, de se marier et d’être Père L’homme qui se présente aux Ordres sacrés doit être dans les mêmes dispositions que pour se marier et devenir père de famille. Le don de soi implique un réel renoncement. Avoir intégré le sens de la différence sexuelle dans sa vie psychique et la vivre comme telle n’est pas accessoire, comme certains veulent le faire croire. Cela fait partie de la maturité normale de tout être humain. Les structures psychiques en jeu dans la personnalité ne sont pas les mêmes selon que l’on privilégie telle ou telle tendance sexuelle. Le candidat aux Ordres sacrés doit être dans la maturité sexuelle acquise grâce, entre autres, à la cohérence entre son identité et son orientation sexuelle. Il serait regrettable de s’engager dans le célibat sacerdotal par défaut de maturité sexuelle ou par inhibition à l’égard des femmes. Ce ne sont pas des signes positifs pour vivre et assumer le célibat sacerdotal. Un tel engagement ne peut se faire sur la base d’un déni de la différence sexuelle, non seulement en paroles mais aussi dans son être et dans sa propre existence. C’est en vertu d’une maturité sexuelle, où psychologiquement il accède à l’hétérosexualité, que le prêtre est dans les meilleures conditions pour vivre le don de sa personne à Dieu dans le célibat, la paternité spirituelle et le lien sponsal à l’Église, à l’image du Christ. Il dispose des caractéristiques psychiques pour accéder à cet ensemble symbolique. – Le prêtre représente le Christ et il agit in persona Christi. Cela suppose donc de se reconnaître comme être masculin, avec toute la maturité requise de son identité sexuelle. C’est pourquoi la question est de savoir si la personne est, par nature, apte à représenter le Christ dans le ministère et si elle dispose des qualités nécessaires pour être appelée par l’Église.

*

 

Comme tout être humain, le prêtre est un être sexué et il doit s’efforcer de vivre en plénitude la différence sexuelle. En dehors de cette vision de la sexualité humaine, le célibat sacerdotal est difficile à assumer de manière équilibrée et il perd le sens théologique et spirituel qui est le sien. C’est pourquoi l’Église, en respectant des critères précis, humains, théologiques et spirituels, a la responsabilité de conférer le ministère ordonné à des hommes qu’elle juge idoines, pour le bien des communautés chrétiennes. L’Église ne cherche pas des hommes parfaits, ni des héros, mais des hommes qui soient en cohérence avec leur identité sexuelle.

 

Tony ANATRELLA 


Revue papier

Prix HT €* TVA % Prix TTC* Stock
11.75€ 2.10% 12.00€ 16

Revue numérique

Titre Prix HT € TVA % Prix TTC Action
Louis Bouyer - pdf Gratuit pour tout le monde Télécharger