La corruption est-elle nécessaire au bon fonctionnement de l'économie?

La concurrence acharnée à laquelle se livrent les entreprises peut faire apparaître la corruption comme une nécessité pour leur survie selon un postulat utilitariste. Mais les frais de corruption grèvent de manière dissuasive la rentabilité d'un investissement. La décision de ne pas investir dans un pays à forte corruption bloque sa croissance et l'entraîne dans une spirale de sous-développement. Entrer dans une démarche aussi antiéconomique, c'est absurdement préférer le présent au futur proche.

Comme l'atteste l'attention croissante que lui portent les médias, la corruption est, dans plusieurs grands pays européens, un phénomène émergent. Dans le flot de plus en plus nourri des commentaires sur les « affaires » – dont certaines ne relèvent pas de la corruption stricto sensu –, il est souvent tenu pour acquis qu'une telle émergence ne peut s'entendre que dans un seul sens : il s'agirait d'un mouvement irréversible, par lequel les bras tentaculaires d'une hydre invisible s'étendraient chaque jour davantage sur des secteurs entiers de la société.

Rien de solide ne permet aujourd'hui d'étayer cette thèse. L'évolution du degré de corruption dans le temps ne fait, à ce jour, l'objet d'aucune étude statistique digne de foi, dans aucun pays. Les études disponibles s'en tiennent à des esquisses de comparaisons entre pays, sur de courtes périodes de temps. Encore ces études font-elles intervenir une appréciation qualitative et non une collection statistique de données. Comme pour d'autres types de criminalité, les mesures quantitatives posent des difficultés méthodologiques quasi-insurmontables : comment mesurer ce qui reste dissimulé et donc inconnu ?

Bien que difficilement mesurable, la corruption n'échappe cependant pas à l'analyse. Elle peut certes apparaître sous des visages bien divers, mais ces visages sont recensés ne serait-ce que par les systèmes pénaux et la jurisprudence des tribunaux, qui détaille les formes de corruption. Sous cet angle encore, la thèse de l'hydre invisible et croissante est contestable. [...]