Expérience religieuse et création artistique : Millet, Van Gogh, Gauguin

L'artiste vraiment créateur exprime d'un même geste le visage du Christ et la vie de l'homme. Prolongeant la réflexion de Hans Urs von Balthasar, l'auteur prend l'exemple de la peinture de Millet, de Van Gogh et, surtout, de Gauguin pour montrer combien celle-ci est vraiment créatrice.

L’art chrétien a surgi, tout au long de l'histoire, de la conjonction d'une expérience humaine et d'une expé-rience religieuse profondes. La réalité a pris le visage de Dieu, tel qu'il s'est donné à nous dans le Christ, et le visage du Christ a pris l'aspect de nos faces, avec leurs rides ou leur rayonnement. Les artistes n'ont pas parlé d'un côté du destin de Dieu et de l'autre de la situation des hommes, mais ils ont peint d'une seule palette notre mort et la mort de Dieu, ou la résurrection du Christ et notre destination à la vie, comme s'ils avaient été conduits d'instinct jusqu'à une parole qui était de Dieu et significative en même temps pour l'homme et pour Dieu. À partir de l'expérience chrétienne, Dieu ne peut désormais être défini que selon la chair, le temps, le sang, la mort : au point que le sang, le corps, le temps et la mort de chaque homme deviennent ceux de Dieu. Les pas des processions castillanes ne sont pas seulement des représentations de la culture du plateau castillan – tragique-ment associée à la douleur d'un homme injustement suppli-cié – mais la parole simultanée sur l'homme et sur Dieu, à la fois dans l'abattement et dans la marche de la vie.
Deux convictions ont soutenu les artistes lorsqu'ils ont créé des crucifixions ou d'autres expressions de l'histoire de Jésus et de l'histoire des hommes. [...]