Du serment à la vérité

Le Christ ne se borne pas à condamner ceux qui vident le Nom de Dieu de tout sens par un emploi machinal, abusif, ou mensonger. Il est venu remplir le langage de sa présence, nous permettant de reconnaître la Vérité divine derrière toute parole vraie.

Dans une société comme la nôtre, dans laquelle Dieu, ou bien son nom, sont utilisés comme des mots vides de tout contenu, une réflexion sur la signification du second commandement est loin d'être inutile. Dans la mesure où l'expérience de Dieu est moins accessible, la référence, explicite ou implicite, à sa personne, est affectée par cette absence de connaissance réelle de Dieu. Il en va de même pour toute réalité significative de la vie (mère, amour, amitié, liberté, etc.), dont le nom recouvre une certaine expérience. Ces mots ont perdu le caractère de réalité qu'ils eurent un jour — l'amitié, par exemple, réduite à la camaraderie, l'amour au sentimentalisme, la liberté à l'absence de liens...

On les répète mille et une fois avec peut-être l'espoir que les répéter rendra réel ce qu'ils désignent. Il en est de même pour la réalité de Dieu. L'utilisation de son nom ou les références cachées sous un langage moins explicite montrent une nostalgie pour un monde auquel il est de plus en plus difficile d'accéder. La relation à Dieu et la relation à n'importe quel aspect significatif de la réalité sont mutuellement impliquées beaucoup plus qu'il n'y paraît. Le manque de sérieux dans la relation à l'Être, Dieu, est identique à celui qui affecte la relation aux êtres. La perte de substance de la réalité de l'Être va de pair avec celle de la réalité des êtres : avec le temps, tout devient superficiel, vide.

L'actualité du second commandement ne se trouve pas tant dans le péché de blasphème que dans l'emploi banal du nom de Dieu, car alors le blasphème lui-même se banalise. [...]