Visage

L'art n'invente pas de visage : un portrait est ressemblant s'il saisit une âme singulière, nécessairement incarnée. Les visages ne peuvent être que vus, et non inventés. Si la parole du Christ n'a pas de visage, c'est pour que son visage soit celui de chacun.

L'unicité d'un visage

Certains disent qu'il n'y a aucun intérêt à ce qu'un portrait soit ressemblant, que seule importe la vie qui est dans le tableau et que la ressemblance ne concerne que quelques personnes : le peintre, le modèle... Je crois que c'est mal poser le problème de la ressemblance que de l'aborder sous l'angle de l'imitation ; car ce qui est saisi pendant tout le travail sur le modèle, c'est son unicité : celui dont je fais le portrait est unique.

Faire ressemblant, ce n'est donc pas faire pareil, mais c'est faire unique, c'est chercher ce qui chez quelqu'un est unique ; et l'unicité de l'âme renvoie irrémédiablement à son Créateur. Ce qui fait qu'un visage est unique n'est pas à chercher dans sa seule apparence ni dans sa seule présence intérieure, mais dans la contemplation de l'une « sur » l'autre : le portrait apparaît comme une apparence qui médite sur une présence, et c'est cette méditation qui seule est unique et originale. Il y a quelques années, j'avais un ami qui avait un frère jumeau ; il m'a bien fallu deux mois pour apprendre à les distinguer. Mais, une fois reconnus, il était impossible de les confondre tant leur être intérieur était différent. Je n'avais pas aiguisé ma vue à mieux percevoir leurs différences, Mais simplement cette méditation dont chacun était le lieu et le sujet était de nature si diverse qu'elle m'était devenue perceptible. Je crois que si, à l'époque, j'avais été capable de faire leurs portraits, personne n'aurait pensé en voyant les dessins qu'ils étaient jumeaux. [...]

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