Le lien de la parole

L'enseignement a ses lois, qui résultent du dialogue libre et mystérieux des intelligences. Mais l'enseignement qui a charge de transmettre la Parole, présente aussi d'autres spécificités : la charité acceptée ou refusée, l'objectivité d'une annonce qui dépasse l'enseignant autant que l'enseigné, le risque de l'inefficacité apparente et de la fécondité par grâce.

C'était le matin de la Pentecôte. Comme un bruit, comme un souffle, comme un feu, l'Esprit promis et attendu avait rempli le lieu où ils se tenaient, et rempli en eux le lieu du coeur. Alors ils se mirent à parler d'autres langues, comme l'Esprit leur donnait de s'exprimer, et, au milieu de la foule venue de toutes les nations, s'éleva la voix de Pierre. Parole déliée par l'Esprit, parole liée à l'Esprit : depuis ce jour, l'Église naît et grandit de cette Parole dans laquelle l'Esprit, poursuivant la kénose du Verbe en notre chair, s'incorpore et se livre, s'atteste et se communique. 

Celui à qui incombe une tâche de catéchèse est reconduit à ce Cénacle, à ce matin. Il peut être un bon professeur d'une discipline profane, un savant théologien, un animateur chevronné, un père ou une mère de famille pleins de zèle et d'amour : sa langue est liée si l'Esprit ne la libère. Ceux qui lui sont confiés peuvent être d'excellents élèves, des esprits curieux, des enfants avides de recevoir ce qui leur est proposé avec tant de compétence et d'amour : si l'Esprit ne vient emplir en eux le lieu du coeur, et féconder la parole, elle demeure lettre morte. L'expression « transmettre la foi » est donc inexacte ; nous ne transmettons pas la foi. Nous transmettons la Parole, et l'Esprit, langue de feu posée sur elle, en fait le brasier de la foi. 

C'est pourquoi rien ne ressemble davantage, et rien ne ressemble moins à l'ordinaire relation enseignante que la relation catéchétique. Rien n'y ressemble davantage, car, de part et d'autre, il s'agit d'une parole qui enseigne, et qui fait valoir à ce titre des exigences spécifiques. Rien n'y ressemblé moins, car le ministère de la parole, tâche majeure de tout enseignant d'une discipline profane, devient ici le service du Verbe : dans la relation catéchétique, la relation enseignante est comme acculée à sa conversion théologale. Le catéchiste expérimente là, en même temps que ceux qu'il catéchise, le combat de Jacob ; une lutte dans la nuit où ils s'avancent les mains nues, et dont ils sortent blessés et bénis ; une lutte avec Celui dont ils ne sauront le Nom qu'à l'aurore. [...]

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