L’écriture et les Écritures

Béatrice JOYEUX-PRUNEL
Les exclus - n°159 Janvier - Février 2002 - Page n° 86

La Bible semble faire peau neuve depuis le lancement d'une nouvelle traduction par Bayard. Fruit du travail collectif d'exégètes et d'écrivains contemporains, cette édition a été présentée comme un événement littéraire et culturel sans précédent. Cet article, laissant aux exégètes le dernier mot pour juger du résultat, voudrait analyser ce phénomène culturel et le resituer dans l'histoire des traductions de la Bible. Face à l'analphabétisme religieux, la traduction peut remettre les écritures au goût du jour et contribuer au travail apostolique. Ce qui semble compter pour les traducteurs cependant, c'est bien sa dimension de « manifeste littéraire ». Et de fait, cette nouvelle version frappe par son approche sans crainte de la matérialité des mots. On peut regretter que ce soit la littérature contemporaine qui confère à l'écriture sa dimension sacrée. On peut s'interroger aussi sur certains choix de traduction peu littéraires et pourtant non sans incidences. Cette conception de la traduction est pour le moins étonnante. Ne peut-on préférer une approche plus modeste, et d'ailleurs plus pétrie de langue et de culture bibliques, dont l'ambition est de faire accéder à la poétique du divin, et pas seulement à la littérature d'un texte parmi d'autres ?

 

Qui n’a pas entendu parler de la nouvelle traduction de la Bible chez Bayard1 ? Le battage médiatique a pu étonner. Si cet investissement relève plus du marketing que des intérêts de l’Église, il reste que « l’événement littéraire de la rentrée » ne peut laisser indifférent2, parce qu’il concerne la Parole de Dieu et sa présence dans la culture et la littérature contemporaines. 

La particularité de la Bible est d’être à la fois un ensemble de textes révélés et un texte humain, au même titre que les romans des traducteurs en question. Il est donc parfaitement légitime, pour un usage non-liturgique, qu’on s’efforce de faire une traduction un peu frappante du texte. Nous laisserons à l’exégète le soin de critiquer cette entreprise d’un point de vue scientifique. Cette innovation, cependant, ne peut être envisagée sans bien distinguer plusieurs domaines dont les logiques ne vont peut-être pas toutes dans le même sens. La portée sociale et culturelle de la traduction ne doit pas masquer les questions littéraires qu’elle pose, ainsi que des enjeux liturgiques encore en suspens. [...]

 

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1. La Bible, nouvelle traduction, dirigée par FRÉDÉRIC BOYER, J.-P. PRÉVOST et MARC SEVIN, Paris, Bayard / Montréal, Médiaspaul, 2001. 

2. D’après Frédéric Boyer, le premier tirage est de 100 000 exemplaires dont 15 000 pour le Québec. Une seconde impression de 65 000 exemplaires a été lancée. Il est difficile d’estimer les ventes nettes. D’après différents observateurs (Livres Hebdo, Le Point, L’Express, Le Nouvel Observateur), la nouvelle Bible était en tête des meilleures ventes « non fiction » lors des premières semaines de diffusion.


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