Au lieu de perdition

L’affirmation de foi selon laquelle le Christ a été crucifié et a connu la mort pour nous et nos péchés n’a pas bonne presse aujourd’hui. L’auteur examine les griefs portés : le soupçon de sadisme, la remise en cause du principe même de substitution et donc de tout sacrifice, la désaffection vis-à-vis d’un discours qui décrit la faiblesse de l’humanité pécheresse. Il propose enfin une réflexion sur le choix de la croix par lequel Dieu vient se placer aux côtés du pécheur, dans les vicissitudes de l’histoire, jusqu’au lieu de perdition.

« Où nous devons être, c’est lui qui s’est mis. À ce point. » Charles Péguy¹

La foi dans le Christ crucifié – une approche sotériologique

La confession de foi proclamant le Christ mort pour nous et nos péchés est aussi ancienne que le christianisme. On la trouve déjà dans la tradition pré-paulinienne et elle constitue, comme l’a remarqué Karl Lehmann, l’axe intérieur de toute assertion sotériologique². Mais Paul évoque déjà le message du Crucifié comme un scandale pour les juifs, et une folie pour les païens, non sans ajouter que c’est pour les élus la force et la sagesse de Dieu (1 Corinthiens 1,23 et
sv). Aujourd’hui le message de la croix semble repoussant même pour nombre de chrétiens. Au lieu d’en tirer des forces pour vivre, ils sentent davantage ce message comme une charge dont ils préféreraient se débarrasser. Pourtant, la force salvatrice et rédemptrice de la mort de Jésus est un motif non seulement attesté dans l’Écriture à travers différentes images [...]
 

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1. Le Porche du mystère de la deuxième vertu, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard,1967, p. 613.

2. K. Lehmann, „Er wurde für uns gekreuzigt“. Eine Skizze zur Neubesinnung in der Soteriologie, in Theologische Quartalschrift 162 (1982) 298-317, ici 306.