Marie-Françoise BASLEZ
L’apologétique
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n°231
Janvier - Avril
2014 - Page n° 83
L’article, étayé par de nombreuses références à l’histoire des persécutions, s’attarde sur les citations de défense et de non-défense des premiers martyrs.Peu à pe u se dégage ce qui semble être l’apologie des martyrs des premiers siècles, plus attachés à témoigner du Christ qui a supporté la Passion et la mort sans se plaindre plutôt qu’à bâtir une argumentation de défense, prêts au geste symbolique plutôt qu’à la parole.
La réflexion sur l’apologétique ne saurait se confiner à la problématique philosophique, comme n’a cessé de nous le rappeler ce colloque. Constatation qui convoque l’historien de l ’Antiquité et lui suggère de revenir aux trois premiers siècles de l’histoire du christianisme qui virent apparaître les traités d’apologétique chrétienne, alors même que la religion nouvelle faisait l’objet d’un interdit légal, mais qui furent aussi marqués par des condamnations,des répressions et des persécutions ponctuelles, puis générales. Dans quelle mesure les discours de défense, prononcés en situation par un chrétien mis en accusation, lors de l’instruction et du procès, ont-ils contribué au développement de la démarche apologétique1 ?
Il s’agit d’abord d’apprécier une tradition culturelle à travers un genre littéraire. En effet, le terme d’« apologétique » est un néologisme forgé à l’époque moderne, mais il renvoie étymologiquement à une pratique judiciaire récurrente dans l’Antiquité : faire son apologie, c’est présenter sa cause en public et au public, répondre à une accusation et entreprendre de se justifier, sous la menace d’un châtiment. Cette pratique a produit une rhétorique fonctionnelle adaptée à la relation paritaire qui unit entre eux les membres d’une communauté antique et elle combine, dès la fin du IVe siècle, la défense d’une pensée et l’exposé d’une vie2. L’apologie comme défense de soi-même subsiste évidemment à l’époque impériale, alors même qu’apparaissent en milieu chrétien des Apologies hors situation, composées comme autant de défenses et illustrations du christianisme. Il est significatif que Luc, à la fin des Actes des Apôtres, reconstitue quatre discours de défense de Paul devant ses juges, d’une forme très classique, qui associent points de droit, témoignage autobiographique et exposé doctrinal, mais qui sont toujours interrompus par le public comme s’il s’agissait, finalement, de démontrer leur inutilité. Paul, lui-même, connaît la pratique et le genre du discours de défense, mais il en discute l’intérêt et n’y recourt que s’il doit justifier sa manière d’être apôtre en faisant largement intervenir des éléments autobiographiques3. [...]
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1. Celle-ci a été souvent ou longtemps rattachée à des expressions du judaïsme hellénisé : M. ALEXANDRE, « Apologétique judéo-hellénistique et premières apologies chrétiennes » dans B. Pouderon et J. Doré dir., Les apologistes chrétiens et la culture grecque, Paris, Beauchesne, 1998, pp. 1-40.
2. M. TRÉDÉ, « La Grèce antique a-t-elle connue l’autobiographie ? » dans M.-F. Baslez, Ph. Hoffmann et L. Pernot éd., L’invention de l’autobiographie, Paris, 1993, pp. 16-19.
3. 1 Corinthiens 9,1-3 et 2 Corinthiens 12,14. H.-D. SAFFREY, « Aspects autobiographiques dans les épîtres de l’apôtre Paul », dans L’invention de l’autobiographie, p. 136.
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