R. P. Serge-Thomas BONINO
La miséricorde
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n°243
Janvier - Février
2016 - Page n° 39
Au croisement fécond de la méditation raisonnée sur l’économie biblique du salut et de la réflexion métaphysique sur les perfections de l’Être même subsistant, la théologie de saint Thomas d’Aquin explique en quel sens, analogique, les attitudes fondamentales de miséricorde et justice doivent être attribuées à Dieu en tant que tel. La miséricorde apparaît alors comme la forme que prend l’amour toujours créateur de Dieu lorsqu’il est confronté au mystère du mal et la justice exprime la cohérence interne de cet amour. Comme il ressort du mystère de notre rédemption par le Christ, la satisfaction des exigences de la justice de Dieu demeure ainsi radicalement subordonnée à la manifestation de sa miséricorde.
La dialectique insoluble entre rigoristes et laxistes – comment doser sévérité et indulgence ? – relève sans doute davantage de la caractérologie que de la théologie. Elle n’en signale pas moins la difficulté à articuler, dans nos jugements comme dans nos comportements, ces deux attitudes apparemment irréconciliables que sont la justice et la miséricorde. Certes le climat culturel dans lequel nous baignons nous rend plus sensibles aujourd’hui aux conditionnements subjectifs de l’agir humain qu’à ses exigences objectives, au risque parfois d’exténuer la responsabilité et donc la dignité morale des personnes par une indulgence mal comprise. Quoi qu’il en soit, la compassion jouit d’un a priori infiniment plus favorable que la justice, surtout la justice punitive qui n’est guère plus perçue comme un bien moral mais tout juste acceptée avec résignation comme une nécessaire contrainte de la vie en société. Mais la théologie cherche plus haut son principe d’appréciation des rapports entre justice et miséricorde. En effet, le chrétien étant invité à imiter son Père céleste (voir Matthieu 5, 48), c’est à la méditation des « moeurs divines » que le théologien demande en dernière analyse la lumière. L’admirable et paradoxal mariage de la miséricorde et de la justice dans toutes les oeuvres de Dieu – et spécialement dans le mystère pascal de Jésus-Christ – exprime en effet quelque chose du mystère de Dieu considéré en lui-même. Sur ce chemin de contemplation théologique, saint Thomas d’Aquin est un guide hors pair. À son école, après avoir évoqué la manière dont les perfections de la miséricorde et de la justice se réalisent analogiquement en Dieu, nous essayerons de comprendre en quel sens « tous les chemins du Seigneur sont miséricorde et vérité » (Psaume 24, 10).
1. La miséricorde en Dieu
Dans notre expérience, point de départ obligé pour toute réflexion analogique sur le mystère de Dieu, la miséricorde se présente d’abord sous la forme d’une émotion, proche parente de la pitié. Jourdain de Saxe, son successeur, écrivait à propos de saint Dominique qu’ « il y avait en lui une très ferme égalité d’âme, sauf quand quelque misère en le troublant l’excitait à la compassion et à la miséricorde » (Libellus de principiis Ordinis Praedicatorum, n° 103). La miséricorde est donc un « trouble ». Elle est com-passion, sym-pathie puisqu’elle nous fait ressentir comme nôtre la souffrance d’autrui. [...]
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