Catholique et français

Monsieur Jean-Luc MARION
La religion des tranchées - n°247 Septembre - Décembre 2016 - Page n° 186

Texte d’une conférence prononcée lors de la rentrée solennelle de l’Académie Catholique de France (Collège des Bernardins, Paris), le 10 octobre 2016.  

 

Définir l’état du catholicisme français aujourd’hui – le propos semble trop imprécis et trop ambitieux, parce que le catholicisme n’équivaut ni aux catholiques, ni à l’Église catholique, et parce que je n’ai aucune qualification à parler à la place des sociologues ou des évêques. Je vais donc me concentrer sur ce que je connais et ce dont je peux, avec tant d’autres, semblables et différents, témoigner moi-même. Je me bornerai, ce qui dépasse déjà bien évidemment mes compétences, à quelques réflexions sur le rôle que jouent ou devraient jouer les catholiques dans le destin de la France.

 1. D’abord, prenons le point de vue objectif, détaché, de Sirius, selon une perspective historique de longue durée. On peut soutenir, contre la vulgate de la presse et des médias, que tout va très bien. D’abord, nous n’avons qu’un seul pape, un seul credo, nos évêques sont bien nommés par Rome, peu de schismes officiels nous divisent. Ensuite nous jouissons presque de la paix civile, avec un niveau convenable de liberté religieuse, tempérée par quelques chances de martyre.

Certes, il reste un point très négatif : la baisse régulière du nombre des prêtres, confirmée par celle des baptisés et des pratiquants. Ce fait appelle pourtant trois corrections. – D’abord, il y a eu pire dans le passé. Et d’ailleurs par rapport à quelle époque fait-on la comparaison ? Où identifier une période bénie de référence ? Le Xe siècle ? Le XVe siècle ? L’orée du XVIIe, après les guerres dites de religions ? Le début XIXe, Révolution, l’Empire, Restauration ? Évidemment, chacune des périodes fut problématique, difficile, voire catastrophique. – Ensuite, on a si souvent, si longtemps et parfois si justement critiqué la pratique religieuse élevée comme une adhésion de convenance, un rite social et strictement civique, qu’il est curieux  d’en faire aujourd’hui l’idéal que nous aurions à rétablir. Nous aurions mauvaise grâce à déplorer vivre aujourd’hui un temps où la pratique religieuse implique une conviction forte et réfléchie. – Enfin, cette variation de la pratique et des vocations a des causes objectives, sociologiques : les transferts de population, passant de la campagne aux villes (renversement récent, accompli depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale) ; d’où il s’ensuit que la présence visible des catholiques se déplace dans les concentrations urbanisées ; la supposée déchristianisation des campagnes reflète alors simplement leur dépopulation. Ce bouleversement induit une modification profonde du recrutement et de la formation des séminaristes, désormais urbains, d’un niveau socio-culturel et donc d’un âge plus élevés, à l’encontre des séminaires de masse et ruraux (encore décrits par Stendhal). À quoi s’ajoute la difficulté accrue d’un engagement pour le sacerdoce à vie, totalement dévoué au service (on pourrait en dire autant du mariage irréversible et unique), dans un monde normé par la réalisation des désirs subjectifs, où seul le provisoire reste constant. Bref, la difficulté principale rencontrée par les catholiques reflète celle de la société toute entière, et comment pourrait-il en être autrement ? [...]

 

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