Quand le caporal brancardier et aumônier auxiliaire Pierre Teilhard de Chardin est baptisé dans le réel

La guerre est un temps d’exceptionnelle fécondité pour le P. Teilhard de Chardin plongé dans le réel qu’il découvre rempli de fureur, de souffrance et de mort mais aussi illuminé par les moments de fraternité dans les tranchées, le courage dans l’épreuve partagée, le sentiment d’une proximité avec Dieu et d’une humanité en travail.

Pierre Teilhard de Chardin est né le 1er mai 1881 à Sarcenat, en Auvergne, dans la famille d’un gentilhomme campagnard ancien élève de l’école des Chartes, famille à la fois cultivée, profondément chrétienne et très aimante, dont notre jésuite dira plus tard qu’elle était « à mettre sous globe ». Quatrième d’une fratrie de onze enfants, passionné dès son enfance par la géologie et les fossiles, doué aussi bien pour les lettres que pour les sciences, il va entrer en  1899 dans la Compagnie de Jésus. Il y suivra la formation de douze années, incluant un séjour de trois ans en Égypte, où il enseigne la physique-chimie au collège de la Sainte famille du Caire, puis parachevée par trois ans de théologie à Hastings, en Angleterre, où il découvre l’oeuvre de Bergson et du cardinal Newman. C’est à cette époque que le concept d’évolution, qui était jusqu’alors pour Teilhard une simple théorie de la biologie et de la paléontologie, va prendre pour lui une dimension universelle. Dans un essai autobiographique1 rédigé en 1950, revenant sur cette période de sa vie, il écrit :

« C’est au cours de mes années de théologie, à Hastings, que petit à petit a grandi en moi, jusqu’à envahir mon ciel intérieur tout entier, la conscience d’une Dérive profonde, ontologique, totale, de l’Univers autour de moi… De la condition morcelée de Cosmos statique, [le Monde] se trouvait soudain accéder à l’état et à la dignité organiques d’une Cosmogénèse. »

À l’issue de son ordination à la prêtrise, le 24 août 1911, la Compagnie, consciente des dons scientifiques du jeune jésuite, va l’orienter vers une carrière de paléontologue en l’envoyant parfaire sa formation au Muséum d’histoire naturelle de Paris, alors dirigé par Marcellin Boule, sommité mondiale de la paléontologie. Après trente ans d’une vie spirituellement protégée par sa famille et le milieu jésuite, Teilhard découvre soudain le monde scientifique, alors majoritairement agnostique ou athée. Il s’agit pour lui d’un choc et il cherche à comprendre les raisons d’un tel rejet du christianisme. Dans ce milieu a priori hostile, m ais où son i ntelligence e t son charme font [...]
 

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1 Le coeur de la Matière, publié dans le tome 13 des OEuvres auquel il a donné son nom, pp. 19-91.