M. François TERRÉ
Vieillir
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n°264
Juillet - Aout
2019 - Page n° 118
Une nouvelle édition du Manuel Dalloz sur la famille prend acte des grands changements de ces dernières années. Un entretien avec son principal rédacteur.
François Terré, vous venez de publier la 9e édition de votre Précis Dalloz sur le droit de la famille1. Quoi de neuf, que s’est‑il passé depuis les dernières éditions ?
La famille (quelle que soit sa composition) a toujours été le ciment des sociétés (famille, contrat, propriété sont les trois piliers de l’ordre juridique) ; or on assiste depuis quelques décennies à une revalorisation de l’individu, et c’est un problème de funiculaire : plus la protection de la personne, prise comme individu, augmente, plus celle de la famille comme noyau social diminue ! Prenez le mariage, jadis perçu comme une union stable entre personnes de sexe différent en vue d’une progéniture : fides, proles, sacramentum. La fides a explosé avec la dépénalisation de l’adultère, au point que le contrat de courtage matrimonial est tenu pour licite même pour une personne mariée2 ! Du reste, le divorce peut aujourd’hui être demandé par le conjoint adultère. Ce qui n’empêche pas l’art. 212 du Code civil d’affirmer sans rire : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». La proles : on ne peut pas rêver de plus grande confusion, on en reparlera. Quant au sacramentum, qui est serment autant que le sacrement, il est plutôt mis à mal.
Votre manuel, de manière classique, comprend deux parties inégales : le couple (300 pages) et l’enfant (900 pages).
Cette inégalité de traitement reflète la réalité juridique : si l’état du couple n’a revêtu que quelques changements, majeurs, celui de la filiation a connu des bouleversements considérables. Le mariage et la filiation se sont peu à peu atomisés, notamment depuis que les célibataires peuvent adopter un enfant, devenant de ce seul fait enfant légitime. Mais, comme il a été souligné, avec la dissociation entre statut du couple et filiation, le mariage perd son sens social. L’idée selon laquelle le mariage supposerait l’altérité des sexes devient socialement inaudible, puisqu’il est coupé de la filiation. Or le rapport de filiation ne peut pas être considéré comme de nature strictement privée, en raison de ses nombreuses incidences sociales et juridiques. Car si la famille n’est pas une institution dans le Code civil, elle consiste dans un réseau de relations qui sont d’ordre public (mariage, reconnaissance d’enfant naturel, adoption, déclarations à l’état civil lors de la naissance, actions en justice, etc.). Les règles qui les gouvernent sont d’ordre public comme la plupart des effets, [...]
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1. F. Terré, Ch. Goldie-Genicon, D. Fenouillet, La famille, Précis Dalloz, 9e éd., 2018, 1256 p.
2 Le courtage matrimonial est une activité rémunérée qui consiste à mettre deux personnes en relation en vue d’un mariage ou d’une union stable ; il était jadis interdit aux personnes mariées de souscrire un tel contrat.
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