Les frontières au XVIIe siècle − Limites, marches et intérêt des États

M. Thierry SARMANT
Les frontières - n°266 Novembre - Décembre 2019 - Page n° 27

Tout en déconstruisant une idée reçue qui veut que les frontières soient une invention récente, fille des nationalismes et des impérialismes des XIXe et XXe siècles, l’auteur montre que les frontières linéaires ne sont pas les seules, ni même celles qui toujours priment dans la constitution et l’expansion des Etats européens modernes. A coté de l’invention de la frontière linéaire, assise sur des données géographiques naturelles, le XVIIe siècle voit persister, à travers des zones ou des marches frontières, l’ancienne frontière-territoire, aux contours moins définis, dont les appareils étatiques jouent en fonction de leur intérêt.

 

Une opinion largement répandue veut que les frontières soient une invention récente, fille des nationalismes et des impérialismes des XIXe et XXe siècles. Il s’agit bien évidemment d’une vue de l’esprit : la frontière est de tout temps, même si sa consistance et son importance varient suivant les constructions politiques auxquelles elle est associée.

Tout au long du XVIIe siècle, la croissance des appareils étatiques, le développement du rationalisme et la mise au point de nouvelles techniques de géodésie et de cartographie concourent à la fortune des frontières linéaires, assises sur des données géographiques « naturelles ». Mais les frontières linéaires ne sont pas les seules, ni même celles qui toujours priment dans la constitution et l’expansion des États modernes. Il importe ainsi de distinguer, d’une part, la frontière comme réalité, matérialisée sur le terrain, de la frontière définie par écrit ou représentée graphiquement ; et, d’autre part, la ligne frontière, la limite, qui correspondrait à une ligne imaginaire, de la « zone frontière » qui constitue un territoire à part entière – la Frontier au sens américain du terme.

La frontière linéaire

Au xviie siècle, le concept de frontière comme une ligne à la fois imaginaire et matérialisée sur le terrain est généralement établi. Cartes et atlas les représentent à l’aide de tracés linéaires et en figurant les territoires de différentes souverainetés avec différentes couleurs, comme sur le Theatrum orbis terrarum d ’Abraham O rtelius (Anvers, 1570- 1598). Quand Louis XIV, Anne d’Autriche et Mazarin rencontrent Philippe IV et Marie-Thérèse sur l’île des Faisans, le 7 juin 1660, le pavillon qui les accueille est partagé en deux parties égales dont la frontière est délimitée par des tapis : tapis d’Orient côté espagnol, lés de soie rouge bordés de franges d’or côté français. Sur le terrain, la réalité est souvent plus complexe, enclaves et « exclaves » formant des limites en forme de dentelles. Quand les traités comportent des échanges ou des cessions de territoires en énumérant des listes de villes ou de provinces, la fixation précise des « lots » ainsi créés est remise à des « conférences pour le règlement des limites », [...]

 

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