Profanation ou communion

M. Stanislaw GRYGIEL
Les chrétiens et le politique - n°6 Juillet - Aout 1976 - Page n° 80

Une personne ne peut forcer et tourmenter une autre personne qu'à condition que l'une et l'autre acceptent un mensonge commun, qui leur masque le mystère de l'homme. Ainsi, seule la vérité qu'énonce le Christ et que répète le martyr rend l'homme accessible à l'homme.

 

I. Profanation

Celui qui dans sa vie n'aura jamais rencontré personne quittera ce monde avec le sentiment d'une existence dénuée de sens et de valeur. Personne n'ayant déposé sa trace en lui, ni lui en quiconque, il se dispersera dans le néant, il ne se sera pas reconnu au sein de l'univers. Celui qui n'a rencontré personne ne croit plus en soi. Il n'est même plus sûr d'exister. La rencontre de l'autre, au contraire, transforme la conscience qu'il a de soi (metanoïa). La rencontre entre les hommes leur confère un surcroît de réalité, chacun n'existant qu'à la mesure de l'Amour. Croyant en l'autre, je crois en moi-même, donc à ma propre existence et à sa pérennité qui réintroduisent le sens et la valeur. Qu'importe alors la durée de notre vie, puisque nous savons que l'essentiel s'est accompli.

L'homme, disait Platon, est la moitié de lui-même, la moitié d'un anneau brisé dont l'autre moitié est cachée chez un ami lointain. Par la rencontre, les hommes se reconnaissent à ce qu'ils s'assemblent comme les deux moitiés d'un ensemble rompu, ce que les Grecs nommaient des symboles. Ce n'est que dans le « nous» de deux êtres que surgissent l'homme et le moi. Séparés, ils ne sont que symboles, chacun symbole d'homme. Tant que l'autre n'est pas présent en nous, nous demeurons des esquisses d'homme, privées de moi personnel. Notre action reste le reflet du déterminisme qui nous entoure.

Dans sa quête, l'homme se mesure aux autres pour voir si tous les joints de la fracture coïncident. L'adaptation n'est jamais parfaite. Toujours, une partie de la cassure — celle qui s'avère plus tard la cassure essentielle — reste sans contre-partie. Mais tout accord, même incomplet, si ténu soit-il, qui guérit et qui rassemble, transforme l'existence de l'homme et sa durée, en réintroduisant le sens et la valeur. Rien en l'homme n'échappe à la marque de la cassure: tout en nous est symbole d'un ensemble. C'est pourquoi, dans la rencontre de l'autre, nous voulons le saisir dans la réalité même de son être. Ce n'est qu'alors que la force unifiante nous enveloppe, même si, au-delà des identités, nous ressentons encore des différences. On peut chercher l'identité de l'autre sur toutes les routes de la vie. On peut lui être présent de bien des façons, Mais en réalité, il n'y a que deux voies. [...]

 

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