La vie à Nazareth, éléments pour une mise au point exégétique

Que nous disent les évangiles de la vie à Nazareth ? Répondre à cette question exige que l'on se défasse des images d'Épinal et que l'on en revienne aux textes eux-mêmes : le Nouveau Testament donne de bien maigres renseignements, tous marqués par les perspectives théologiques propres à chacun des évangiles.

Pour cachée qu’elle se prétende, la vie de Jésus à Nazareth paraît fort peu mystérieuse ! Grâce aux oeuvres d’art, grâce aux images distribuées dans les missels pour les communions, chacun de nous a des images dans la tête. On imagine une paisible vie un peu bourgeoise, avec Joseph en patriarche partageant le pain, comme dans les tableaux flamands de Mostaert, ou bien, comme chez Murillo, de calmes scènes de genre : Jésus joue avec Jean Baptiste à construire une croix (sic !) sous le regard attendri de sa brodeuse de maman, tandis que son père prend des mesures avec concentration sur une planche qu’il vient de scier. Parfois, on s’imagine Jésus en apprenti-charpentier comme dans le tableau du Louvre de La Tour, où la chandelle qu’il tient pour donner de la lumière à son père est l’occasion d’un clair-obscur explorant toutes les nuances de l’éclairage sur une peau. Hélas, lorsque l’on se penche sur les  textes du Nouveau Testament et sur les éléments historiques dont on dispose, aucune de ces représentations n’ont de fondement scripturaire : tout est apocryphe.

On se trouve donc dans une situation finalement pas si rare dans les études exégétiques, où les préjugés, les présupposés,  ce que Gadamer nommait les « précompréhensions », sont bien plus étoffés que les textes eux-mêmes. Finalement, nous en savons plus sur l’enfance de Jésus que Matthieu, Marc ou Jean... D’où viennent donc nos connaissances sur la vie cachée ? Ces quelques éléments de mise au point exégétique sont l’occasion de sérier les représentations et de leur attribuer une paternité. [...]