Michel GITTON
Il est monté aux cieux
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n°47
Mai - Juin
1983 - Page n° 18
Mais on peut risquer l'hypothèse que ce temps a été objectivement employé par le Christ pour parcourir les étapes de sa propre glorification. Le Ressuscité ne s'est pas ''évaporé'' dans l'immensité divine en perdant toute dimension charnelle
Notre foi en la Résurrection gagne à prendre au sérieux le délai entre Pâques et l'Ascension.'
Les deux premières pages, 18 et 19 sont jointes.
L'ASCENSION reste, de tous les épisodes évangéliques, celui dont le statut théologique est le moins clair. Une certaine désaffection actuelle des chrétiens pour la fête de l'Ascension reflète sans doute l'embarras je la prédication à l'égard de ce mystère.
On a d'abord critiqué le symbolisme ascensionnel qui paraît une grossière évocation de l'exaltation céleste, trop liée à une représentation mythique du cosmos. Aujourd'hui, on se plaît surtout à souligner que Résurrection et l’Ascension s'équivalent, étant deux manières de dire, sur deux registres d'images différentes, l'unique glorification du Christ. Les critiques se concentrent volontiers sur le récit de saint Luc au début des Actes des Apôtres dont le réalisme paraît incontournable [[Il se pourrait que le même scrupule ait inspiré le témoin dit «occidental» du texte d'Actes 1 : le Codex Bezae et la Vetus Latina estompent le caractère visuel de l'Ascension en faisant intervenir tout de suite la nuée qui vient dérober Jésus aux regards de ses Apôtres. ]]: l'Ascension y est datée et localisée, les Apôtres voient le Christ s'élever de terre, etc ...
C'est donc à ce récit et plus exactement au délai de quarante jours mis par ui entre la Résurrection et l'Ascension que nous allons nous efforcer de rendre justice, répondant ainsi à la question: oui ou non, l'Ascension introduit-elle le Christ dans un nouvel état ? (p.18)
Question de méthode: qu'est-ce que la « méta-histoire» ?
Comme dans beaucoup de questions exégétiques, il nous faut d'abord régler un préalable de méthode d'ordre quasi-philosophique. En effet, l'historicité de l'Ascension redouble un problème déjà posé à propos de la Résurrection: un événement transcendant, incommensurable, par définition, aux dimensions de 1’ancien « eon », peut-être encore situé par rapport à notre espace-temps?
On connaît l'argument de ceux qui voulaient faire de la Résurrection du Christ un événement « méta~historique », connaissable seulement par la foi et dont seules les répercussions dans la vie des apôtres et des premières communautés chrétiennes seraient des faits constatables. Ce sont les mêmes qui s'insurgeaient (et s'insurgent encore) contre le réalisme des récits du tombeau vide et le constat empirique de la Résurrection en Luc 24, 38-43. La Résurrection serait donc de droit (et non pas seulement de fait) inaccessible à l'expérience sensible. Dans ces conditions, toute présentation de la Résurrection dans la trame des événements datés de la vie de Jésus serait une tentative équivoque pour ramener l'irruption du monde nouveau aux dimensions d'une réalité constatable. Une telle interférence du monde surnaturel et de la vie présente des hommes est jugée attentatoire à « l'autonomie du naturel »; elle rompt le principe de non-concurrence qui est devenu un dogme chez certains théologiens [[Son rôle est central dans les nouvelles christologies qui refusent Chalcédoine. Cf. J. Galot, Vers une nouvelle Christologie, Duculot et Lethielleux, 1971, p. 5-40.]].
D'aucuns ont déjà répondu à cette objection qui amène à rejeter une grande partie des témoignages du Nouveau Testament. Si Dieu ne peut agir dans la vie des hommes, si la trace de son intervention ne peut être saisie au niveau de l'histoire, ne doit-on pas dire avec saint Paul que notre « foi est vide » et que nous sommes de « faux témoins de Dieu puisque nous avons attesté contre Dieu qu'il a ressuscité le Christ » (l Corinthiens 15, 15)? L'idée a priori que nous nous faisons du monde nouveau ne doit-elle pas être précisément remise en cause par la nouveauté de la Résurrection? Une vision platonicienne, dont on a souligné par ailleurs l'incompatibilité avec la foi biblique, ne préside-t-elle pas encore à certains Jugements sur la possibilité ou l'impossibilité d'un constat de la Résurrection [[Cf. J.-L. Marion, " Ce mystère qui juge celui qui le juge ", Résurrection, n° 32 (1970), dont nous espérons fournir bientôt une réédition accessible, spécialement p. 13-76. ]] ?
Le problème se complique incontestablement quand on passe de la Résurrection à l'Ascension. Si l'on fait de cette dernière un événement historique, situé quarante jours après Pâques, on introduit une succession temporelle à l'intérieur de l'état du Ressuscité. Si l’on recule, comme beaucoup aujourd'hui, devant une telle représentation « mythique », on est amené à dire que ce délai est uniquement pédagogique et relatif aux apôtres et qu'il n'a aucune signification pour le Christ lui-même. Celui-ci serait donc indissociablement et dans le même instant ressuscité et exalté a la droite de Dieu.
Il faut reconnaître qu'ici, les témoignages de l'Écriture et de la. première tradition sont troublants. Le P. Benoît, qui les a réunis de manière commode (p.19)
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