M Jean-Marie de MONTRÉMY
Qu'est-ce que la théologie ?
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n°37
Septembre - Octobre
1981 - Page n° 87
Avec L'enterrement à Ornans, Courbet révéla pour la première fois de manière évidente qu'une liturgie pouvait se réduire en geste mort, privé de signification. Nos propres pratiques funéraires nous en apprennent davantage sur le sujet - et sur notre « culture ». (Approfondir avec Jean-Luc MARION "Courbet ou la peinture à l’œil" Flammarion, février 2014).
Ce matin-là, ils sont assis sur cinq chaises-fauteuils tapissées de tissu acrylique. Ils ne savent pas très bien quelle attitude prendre. Devant eux : le cercueil du fils posé sur un présentoir de métal. Ils attendent. C'est une salle assez grande, rectangulaire, décorée de couleurs unies et fausses, à la manière des salles dites « polyvalentes » qu'affectionnent entreprises ou organismes sociaux. Il y a une musique douce d'orgue synthétique, diffusée par d'invisibles sources sonores — tout comme la lumière vient d'invisibles sources lumineuses, le long des corniches.
Lentement, les deux grandes portes imitant le bronze, en face desquelles les chaises sont disposées, s'écartent sans bruit. Le présentoir de métal pivote. Le cercueil suit le mouvement et disparaît à l'intérieur des portes qui se referment.
Toujours la musique douce.
Le fils a eu un accident de voiture voici une semaine. Il a fallu le prendre à l'hôpital, où l'on ne savait que faire d'un mort. Le peu de famille qu'avaient les parents n'a pas pu venir. Le fils n'avait guère d'amis, si ce n'est une « fiancée » dactylo de l'entreprise où lui était comptable - qui pleure tout ce qu'elle peut, à côté de la mère, mais ne fait pas beaucoup de bruit.
Ils ne savaient pas qu'il y avait une maison funéraire dans la ville de banlieue où ils vivent. C'est l'hôpital qui le leur a indiqué ; et c'est, en effet, plus pratique de transporter en province les cendres du fils plutôt que d'y descendre le cercueil.
Derrière la porte, cela gronde beaucoup. Il y a des mâchonnements, des bruits de fer. On croirait, malgré la musique douce, un chauffe-eau géant.
Cela dure près d'une heure. Ils ne savent vraiment pas très bien quoi faire. Le père, peu à l'aise dans son costume brun (il n'en a pas de noir), regarde droit devant lui. La mère est prise dans un manteau gris. Elle est petite, boulotte. Elle semble posée sur un coin de la chaise, au risque de tomber.
Puis, les portes de faux bronze s'écartent. Un petit vase de basalte stylisé arrive sur le présentoir.
L'employé dit poliment : « C'est pour vous ». Il ne sait vers qui se tourner : madame ? monsieur ? Eux-mêmes se sont mis debout, d'instinct. Après un temps, la mère se décide. Elle prend l'urne encore tiède, la serre sur son cœur et se dirige, avec les autres, vers la sortie. [...]
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