Saint John Henry NEWMAN
Le catéchuménat des adultes
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n°210
Juillet - Aout
2010 - Page n° 85
« Remerciement » que Newman prononça lors de la notification officielle de son élévation au cardinalat, où il pointe le danger de ce qu’on nomme aujourd’hui relativisme. Ce billet est précédé d'une introduction d'Irène Fernandez et d'Yves-Marie Hilaire.
Note sur Biglietto
Le fameux « Biglietto speech » de Newman est le « remerciement » qu’il prononça à Rome le 12 mai 1879 lors de la cérémonie de remise du biglietto, c’est-à-dire de la notification officielle de son élévation au cardinalat.
Newman y exprime de manière condensée une de ses principales idées, comme il aimait à dire – « idée » chez lui veut dire à peu près « essence dynamique ». Cette idée qui a orienté en effet toute sa pensée et toute sa vie est le danger de faire fi de la vérité en matière religieuse. Car c’est bien ce qu’il entend par ce « libéralisme » auquel il fut en effet de tout temps opposé. Le terme est malheureusement ambigu, et ouvre la porte aux contresens faciles. Il ne s’agit pas du libéralisme au sens politique – Newman n’est pas un ennemi de la liberté – ni au sens économique – Newman n’a pas de vue dans ce domaine – il s’agit, et c’est limpide d’après son texte, de ce que nous appelons, nous, relativisme. Et il est vrai que Newman l’a combattu depuis son plus jeune âge : bien avant d’être catholique, il voyait dans le « chacun sa vérité » le principe non seulement d’un scepticisme mortel pour la foi, mais d’une dissolution du lien social : ce qu’il en dit ici, il le disait déjà quarante ans plus tôt [voir par exemple The Tamworth Reading Room, 1841], et le thème très fort de l’apostasie était déjà présent chez lui plus tôt encore, à l’époque du Mouvement d’Oxford.
On ne peut chercher la vérité si on ne la croit pas possible, et on ne peut même pas penser si on ne la cherche pas. Il y a là une conviction très profonde et très simple : il y a du vrai et du faux, et tout n’est pas dans tout. Chez Newman, cette armature permet à une pensée tout en nuances et en subtilités et en véritables recherches de se donner libre cours sans se perdre jamais. En général, on ne voit pas en lui un logicien, et pourtant le principe de contradiction était crucial à ses yeux. Cela est clair, par exemple, dans l’itinéraire intérieur du héros de son roman Loss and Gain. Dans ce récit quasi autobiographique, la pensée d’un jeune étudiant d’Oxford se structure peu à peu autour de l’idée que deux théories contradictoires ne peuvent être vraies en même temps : si l’une est fausse, l’autre est vraie, et il faut donc choisir. Cela est incontestable pour Newman dans le domaine intellectuel avant même de l’être dans le domaine religieux, mais quand il s’agit de religion, cela devient d’une importance capitale, car les choix, et donc forcément les oppositions, sont ici vitaux. Il est intéressant de noter, pour éviter à nouveau les contresens, que c’est cette idée de vérité que Newman appelle la « théorie du dogmatisme » auquel il tient tant et qu’il a, dans des formules célèbres, mise « au principe de sa religion ». La sincérité avec laquelle on croit ne suffit pas à légitimer la croyance, encore faut-il que celle-ci soit vraie, vraie au sens le plus ordinaire, il faut qu’elle corresponde à la réalité. Ainsi un des plus grands témoins modernes de la subjectivité se fait-il le critique radical du subjectivisme, car que serait une foi qui n’attesterait pas la réalité « objective » de Celui en qui on croit ?
À une époque comme la nôtre, qui ferait volontiers sa devise de la question de Pilate : « Qu’est-ce que la vérité ? », le propos de Newman n’a hélas rien perdu de son actualité, même si les situations historiques ne sont plus les mêmes. Mais s’il invite les catholiques à relever le défi , ne les engage-t- il pas aussi à le faire sans se laisser troubler, dans la tranquillité de la magnifi que confi ance de ses dernières lignes ?
Les doux hériteront la terre.
J.H. Newman et les libertés modernes
Pour ses contemporains ultramontains intransigeants, J.H. Newman (1802-1890) est un libéral. Formé à Oxford, il a une haute conception de la liberté de l’éducation qu’il développe dans L’Idée d’Université (1852). Face aux grandes libertés modernes, inscrites dans les institutions anglaises, mais condamnées par les papes Grégoire XVI (encyclique Mirari Vos, 1832) et Pie IX (encyclique Quanta Cura, et le Syllabus, 1864), il est proche de l’interprétation de ces derniers textes donnée par Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans, et approuvée d’ailleurs par Pie IX : il faut distinguer entre la thèse contenue dans ces documents, qui représente pour l’Église la société idéale, et l’hypothèse qui admet des accommodements avec l’État moderne.
En décembre 1874, Newman répond à un libelle de l’ancien premier ministre Gladstone attaquant l’infaillibilité pontificale, qui a été proclamée par le Concile de Vatican I en 1870, dans une Lettre ouverte au duc de Norfolk, notable catholique anglais. Newman défend l’infaillibilité dans des conditions nettement délimitées : Urbain VIII n’était pas infaillible quand il condamna Galilée, fait-il remarquer. Le pape ne saurait être infaillible dans un domaine où la conscience individuelle demeure l’autorité supérieure. La conscience est le « vicaire aborigène du Christ », écrit Newman, et il précise : « Si après un dîner, j’étais obligé de porter un toast religieux – bien sûr cela ne se fait pas –, je boirais à la santé du pape, croyez-le bien, mais à la conscience d’abord et ensuite au pape ».
La liberté de conscience condamnée par Pie IX en 1864, peut être entendue dans un sens positif pour Léon XIII, dans l’encyclique Libertas en 1888, donc du vivant de Newman, parce que l’homme a le droit de ne pas être entravé dans l’accomplissement de ses devoirs envers Dieu. C’est là une « liberté véritable », dit le Pape, « supérieure à toute violence et que l’Église a toujours revendiquée, à l’exemple des apôtres et des martyrs ».
« Biglietto » du 12 mai 1879
Vi ringrazio, Monsignore, per la participazione che m’avete fatto dell’alto onore che il Santo Padre si e degnato conferire sulla mia umile persona (Je vous remercie, Monseigneur, de m’avoir fait part du grand honneur que le Saint-Père a daigné conférer à mon humble personne).
Et si, pour répondre au message si généreux que vous me transmettez, je vous demande la permission de continuer à m’adresser à vous dans ma chère langue maternelle et non dans votre langue musicale, c’est que je peux mieux ainsi exprimer mes sentiments que si je tentais l’impossible.
Il faut d’abord que je dise à quel point j’ai été et je suis toujours émerveillé et profondément reconnaissant de la bienveillance et de l’affection dont le Saint-Père a fait preuve à mon égard en me conférant un si immense honneur. Ce fut une grande surprise. L’idée d’accéder à une pareille dignité ne m’était jamais venue à l’esprit, et rien dans ma vie passée ne le laissait supposer. J’avais traversé bien des épreuves, mais elles étaient terminées, et maintenant je touchais presque au bout de ma vie, et j’étais en paix. Était-il possible qu’après tout j’eusse vécu tant d’années pour cela ?
Et je ne sais pas comment j’aurais pu supporter un tel choc si un deuxième acte de bienveillance de la part du Saint-Père ne l’avait adouci : tous ceux qui l’ont appris y ont vu une preuve émouvante de son obligeance et de sa générosité. Il m’a exprimé sa sympathie et expliqué pour quelles raisons il m’avait conféré cette haute dignité. Avec d’autres paroles d’encouragement, il me dit qu’il voulait ainsi reconnaître mon zèle au service durant tant d’années de la cause catholique ; de plus il jugeait qu’un signe d’approbation de sa part ferait plaisir aux catholiques anglais et même à l’Angleterre protestante. Après de telles paroles, j’aurais été insensible et sans coeur si j’avais eu scrupule à accepter. [...]
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