Un animal qui peut promettre et pardonner

Entretien sur la promesse qu’est, par essence, la personne et sur le pardon qui « recrée » celui à qui l’on pardonne.

Holger Zaborowski¹: Professeur Spaemann, merci beaucoup d’avoir pris le temps de parler de la promesse et du pardon. Nous rencontrons la promesse dans des contextes en réalité très variés : nous parlons de promesses de campagne ou de serments de mariage, mais il y a aussi des promesses qui revêtent un caractère moins important, comme la promesse, par exemple, d’arroser les fl eurs cet après-midi, ou ma promesse d’être là, à un moment précis. La question que je vous pose, à vous philosophe, est celle-ci : qu’y a-t-il de commun entre ces phénomènes très variés, ces différentes sortes de promesses ? Qu’est-ce que la promesse exactement ? Qu’est-ce que ça veut dire, en réalité, promettre quelque chose ?

Robert Spaemann : Généralement, une promesse est faite à une autre personne. La promesse donne à cette dernière la possibilité d’attendre certaines choses de moi, et en réalité, pas seulement la possibilité mais un droit qu’elle peut revendiquer sur moi. En promettant, j’accorde à autrui le droit de s’attendre à quelque chose, par exemple à ce que les fleurs soient arrosées. Il est en droit de s’attendre à cela. Si je ne le lui ai pas promis, alors, il n’a aucun titre à l’attendre. Peut-être que si je le fais, je peux le surprendre. Dans ce cas, cela lui fera plaisir, mais si je ne lui ai rien promis auparavant, il ne peut pas se plaindre et dire : « Mais tu n’as pas arrosé mes fleurs ». Ce qui caractérise spécifiquement une promesse, c’est que, d’une certaine manière, en promettant je me rends indépendant de mon humeur du moment. Par exemple, il se peut que je n’aie pas envie d’arroser les fleurs cet après-midi, mais je l’ai promis et c’est une raison pour le faire. [...]

1. Holger Zaborowski est professeur assistant de philosophie à The Catholic University of America in Washington, D.C.