Attestation _____________________________________
Dante est, au XIVe siècle, le chantre d'une Europe unifiée sans reniement de ses diversités, spirituelle sans déni du temporel, ouverte à d'autres mémoires sans oubli de la sienne. Souvent méconnu en France, le poète de la Divine Comédie est pourtant de ces créateurs qui peuvent redonner à la conscience occidentale la pleine et juste mesure de sa vocation.
Dante : un Européen capital
DANTE actuel ? les arguments contraires ne manquent pas. Sa romanité, qu'on peut trouver excessive, son goût pour le diabolisme et, plus largement, sa symbolique infra et supraterrestre que nous nous faisons vertu d'avoir évacuée depuis le ,Moyen-Age, ses escalades théologiques aussi vertigineuses que l'ascension d'une flèche gothique, l'apparente bizarrerie de ses escapades astrologiques, et surtout sa science de l'invective, qu'on ne lui pardonne pas plus qu'on ne le fait d'ordinaire pour Léon Bloy ou Bernanos... tout semble éloigner de nous ce poète âpre et hautain, dont la superbe et les fantasmes constituent pour la psychanalyse — surtout la psychanalyse de « super-marché » — une terre d'élection.Pourtant, notre maître P. Renucci nous indiquait naguère que,depuis 1900, plus de trois cents livres ou articles paraissent annuellement sur Dante. En France, Flammarion vient d'éditer une nouvelle traduction de Jacqueline Risset. A propos de traduction,on est bien obligé de reconnaître qu'aucune — pas même celle de Masseron, à la fois si proche et si flexible, si ingénieuse et si fidèle — ne suffit à rétablir dans sa noblesse incantatoire le poète altissime. Le Père Auguste Valensin obligeait presque ses disciples à apprendre l'italien, langue dont on ignore les finesses, en raison même de son extrême facilité. Le touriste français est sous ce rapport le profanateur le plus affirmé d'une langue dont la connaissance lui semble acquise, et l'apprentissage superflu. Les autres peuples latins, les Anglais, les Allemands, les Slaves, rompus à l'usage du « proparoxyton » (c'est-à-dire l'accent tonique tombantsur la syllabe antépénultième) scandent convenablement l'italien,même si parfois ils en mouillent abusivement les voyelles, ou en concassent brutalement les consonnes. Seul, le Français, fermé à la majesté et à la grâce d'un accent tonique éloigné de la syllabe finale, transforme la scansion de l'italien en un odieux martèlement, en un cliquetis, d'où la langue de Dante sort...
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