Deux regards sur le Fils prodigue – Jean-Pierre Lemaire et Jean-Luc Lagarce

Monsieur Patrick PIGUET
Littérature et Vérité - n°235 Septembre - Octobre 2014 - Page n° 55

Selon Péguy, la parabole du Fils prodigue ne cesse de parler à tout homme en révélant son désir d’être consolé et guéri. Cela se vérifie aussi bien dans la lecture qu’en fait le poète Jean-Pierre Lemaire dans son poème « Le frère du prodigue » que dans l’écho que lui en donne Jean-Luc Lagarce, écrivain pourtant éloigné de la foi chrétienne.

 

À l’aube du XXe siècle, Péguy déclare que parmi les paraboles de l’Évangile, celle du Fils prodigue est « restée plantée au coeur de l’impie / Comme un clou de tendresse1 » et il ajoute que c’est « la parole de Jésus qui a eu le plus grand retentissement dans le monde / qui a trouvé la résonance la plus profonde / dans le monde et dans l’homme2 ».  Une telle efficacité suscite enfin chez le poète un long questionnement dont nous retenons ces quelques vers qui nourriront le nôtre : 

Quel point sensible a-t-elle trouvé
Que nulle n’avait trouvé avant-elle,
Que nulle n’a trouvé, (autant), depuis,
Quel point unique,
Insoupçonné encore
Inobtenu depuis.
Point de douleur, point de détresse, point d’espérance.
[… ]
Point où il ne faut pas appuyer, point de cicatrice, point de couture et de cicatrisation.
Où il ne faut pas que l’on appuie3.

Comment ne pas partager cette interrogation quand nous constatons combien la parabole du Fils Prodigue suscita de commentaires et de réécritures de la part d’écrivains comme Gide, Rilke, Kafka4 et, plus près de nous, chez un Jean-Luc Lagarce, un François Cheng5 ou un Jean-Pierre Lemaire ? Mais s’agit-il de la même parabole ? Le personnage du Fils Prodigue a, en effet, subi de nombreuses mutations : placé, chez Gide ou Rilke, sous le signe de la révolte contre le Père ou sous celui de son absence chez Jean-Luc Lagarce, il semble au XXe siècle un personnage idéal pour incarner le refus du modèle familial et d’un Dieu dont la miséricorde ne serait que domination déguisée. Faut-il pour autant s’en tenir à cette lecture et conclure que l’interprétation moderne de la [...]


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1 Le Porche du Mystère de la Deuxième Vertu, Gallimard, 1929, p.162. 

2 Ibid., p.163.

3 Ibid., p.163-164.

4 Ces trois versions de la parabole ont fait l’objet d’une analyse comparée centrée sur les troubles de l’identité par Anne-Marie Pelletier, « Métamorphoses littéraires d’une parabole, Le fils prodigue selon Gide, Rilke et Kafka », Cahier biblique no 30, septembre 1991, pp.21-32. 

5 Le Dit de Tianyi, Le Livre de poche, 1998.


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