Herméneutique de la réforme – Réforme de l’herméneutique Sur le progrès et le renouvellement de la tradition de l’Église

Prof. Julia KNOP
La tradition - n°253 Septembre - Octobre 2017 - Page n° 59

Entre rupture et continuité, Benoît XVI a proposé le paradigme de la réforme pour les développements doctrinaux rendus possibles par Vatican II et mis en œuvre par le pape François. À partir des exemples de la liberté religieuse, de l’œcuménisme et de la liturgie, l’auteur montre que le jugement théologique qui valide l’ancienne Tradition, sert de preuve à une légitime réforme, c’est-à-dire à une substantielle continuité malgré un changement de la forme.

 

1. Quatre cardinaux – cinq doutes

L’exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia, que le pape François a publiée au printemps 2016 en conclusion d’une démarche synodale étendue sur deux ans1, rencontra dans l’Église et la société une approbation d’une ampleur inhabituelle. Beaucoup de commentateurs exprimèrent leur soulagement : Église et société, doctrine et vie, tradition et actualité se retrouvent. Des décennies de blocage se dissipent. Joie et souffrance, bonheur et souci pour le couple et la famille trouvent une résonance dans l’Église. Même si tous n’ont pas vu tous leurs souhaits satisfaits, le bilan médiatique était unanime : on va dans la bonne direction. On avance.

Mais certains eurent des doutes. Ils doutaient que la direction prise par cette démarche synodale soit juste, et craignaient que l’aggiornamento de l’éthique catholique des relations ne conduise à une sécularisation et une auto-dissolution de l’Église. Pour articuler leur « souci passionné », quatre cardinaux2 ont choisi, à l’automne 2016, la procédure que l’on appelle celle des Dubia, qui, en cas d’incertitude juridique, exprime un besoin de clarification. La remise de leur texte au Pape eut d’abord lieu de manière confidentielle, par une lettre avec copie au préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Devant le manque de réaction du pape, il fut ensuite choisi le cadre plus moderne de la mise en scène médiatique avec effet de publicité. Comme cette offensive dans la transparence ne suscita pas davantage de réponse de la part du pape François, le cardinal Raymond Burke envisagea l’instrument de la correctio fraterna, qu’il présenta comme étant également une « ancienne institution de l’Église », même si elle ne fut pas souvent pratiquée (la dernière fois était il y a presque huit cents ans3).

 

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1 Voir à ce propos : Julia Knop et Jan Loffeld (Éd.), Ganz familiär. Die Bischofssynode 2014/2015 in der Debatte, Regensburg, 2016.

2 Les signataires sont les cardinaux Carlo Caffarra, archevêque émérite de Bologne ; Raymond Burke, archevêque émérite, ancien Cardinal Patron de l’Ordre de Malte ; Walter Brandmüller, historien de l’Église ; et Joachim Meisner, archevêque émérite de Cologne (version allemande complète du texte dans le Tagepost du 16 novembre 2016). 

3 Le cardinal Burke pense aux débats concernant Jean XXII qui, au XIVe siècle, avait soutenu la conviction d’une béatitude au moins partielle des Saints entre leur mort et le jugement dernier, [...]


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